Et autres reportages africains

Parus entre 2007 et 2014 dans les revues XXL et La Revue Dessinée, ces 5 reportages nous entraînent, à la suite de Jean-Philippe Stassen, en Afrique ou l’artiste, au fil des rencontres, dépeint le portrait d’un continent qui abrite une multitude de communautés, une cohabitation qui n’est pas sans poser problème d’ailleurs…

Par fredgri, le 17 février 2015

Publicité

Notre avis sur Et autres reportages africains

On pourrait presque considérer cet album comme une sorte d’épilogue à Pawa, paru en 2002 chez Delcourt. Dans ce précédent album Stassen faisait le point sur les conflits entre le Rwanda et le Congo. La situation était déjà très complexe et il était important pour nous européens, très mal informés par nos média institutionnels, de creuser la situation, d’essayer de mieux comprendre ces conflits.

Bien sur, Stassen ne se concentre pas uniquement sur ces guerres congolaises, il commence par un premier reportage qui parle de la situation autour du détroit de Gibraltar, des discriminations à Ceuta, des différences entre Tanger et Tarifa… Puis il conclue par une descente vers Johannesburg, à la rencontre d’Anton Kannemeyer, et plus globalement des quartiers de la ville qui abritent les populations blanches immigrées et les quartiers blancs.
Ces deux reportages mettent bien en avant la difficulté, encore maintenant, pour les noirs et les blancs de vivre ensemble, en toute intelligence. Cependant, il insiste bien aussi sur le fait que le problème, dans le nord du continent, n’est pas uniquement une question de couleur, qu’il y a aussi un contexte historique lié à la colonisation européenne, par exemple, aux différentes cultures qui se regardent du coin de l’oeil ou du bout de leur nez.

Mais, loin de sombrer dans les archétypes habituels Stassen développe ses diverses démonstrations en tentant d’expliquer les différents points de vue. Car tout est très compliqué, on le comprend très vite, cela va souvent bien plus loin que ce que l’on peut voir au premier abord.
Et c’est peut-être ce que je reprocherais en premier lieu à cet album !
D’une part, Stassen a du mal à suivre une direction bien nette, il digresse et du coup a tendance à nous emmener sur plusieurs pistes à la fois, quitte à nous perdre dans la foulée. Car au début, on a du mal à savoir ou il veut en venir. Cela reste tout de même très fluide de toute façon, mais il y a beaucoup de noms, d’appellations diverses (surtout dans les chapitres tournant autour du Rwanda, du Congo/Zaïre) et nous sommes face à un discours beaucoup moins "scolaire" que dans Pawa, par exemple. Même si "A propos des Revenants" permet très habilement de bien mieux comprendre de quoi il était question dans les précédents chapitres (Stassen et les intervenants ressassent encore et encore les mêmes faits, reviennent sur des détails, précisent beaucoup de choses et du coup, je dois bien avouer que c’est bien mieux rentré, en ce qui me concerne !)

En refermant la dernière page on a surtout l’impression de s’être immergé dans une histoire indéniablement complexe, ou certaines idéologies ont complètement redessiné les reliefs de ces pays traumatisés qui tentent de renaître, grâce à des populations particulièrement courageuses. On a aussi le sentiment de ne pas forcément tout saisir dans cette Histoire à l’échelle d’un continent, loin de nos quotidiens d’européens…
En contre partie, je me dis qu’ils sont nombreux ceux qui devraient découvrir ces témoignages, histoire de relativiser davantage ces regards biaisés…

Jean-Philippe Stassen interpelle encore une fois avec ces récits qui se veulent moins "fictifs", mais qui reviennent sur ses thématiques habituelles, cette violence insidieuse, ces regards qui ont vieilli bien trop vite, cette Afrique méconnue et déchirée…
On retrouve, par la même occasion, ce graphisme irréprochable qui fait tout le style Stassen. C’est magnifique et extrêmement expressif. Il alterne les traitements couleur d’une très grande finesse, les silhouettes en noir et blanc, les scènes de rue, les gros plans… Plus j’avançais plus je retrouvais tout ce que j’aime chez cet artiste hors norme, ce charme très stylisé, sans faille !

Alors peut-être que "I Comb Jesus" manque parfois de clarté, néanmoins cela reste un album indispensable et éclairant !

Très gros coup de cœur !

Par FredGri, le 17 février 2015

Publicité