L'homme squelette

En cette année 1996, Joe Leaphorn, retraité de la police tribale navajo, se remémore, autour d’un café pris dans une auberge en tête-à-tête avec d’anciens collègues, la surprenante affaire pour laquelle il a été sollicité récemment et qui concerne une histoire de diamants. En effet, quelques temps auparavant, Billy Tuve, un jeune hopi, a été arrêté en possession d’une pierre précieuse qui pourrait provenir d’un vol d’une bijouterie. Curieusement, cette affaire de possession de diamant pourrait être également liée à un cambriolage perpétré il y a longtemps à Short Mountain chez le vieux Shorty auquel un diamant aurait été dérobé. Par ailleurs, à New York, Joanna Craig trouve enfin, grâce à l’arrestation de Tuve, le moyen de régler la succession de son père John Clarke, négociant en pierres précieuses, disparu il y a 50 ans lors d’un accident d’avion au-dessus du Grand Canyon. En même temps, informé également par les mésaventures du hopi, un cabinet juridique géré par Plymale voit les intérêts d’un de ses gros clients menacés et embauche le détective privé Jim Belshaw pour se lancer sur les traces du fameux diamant. Assurément, il ne fait aucun doute que la révélation de cette sombre histoire se trouve sur les lieux du crash où John Clarke, transportant une mallette remplie de diamants a péri tragiquement et dont le squelette va être l’objet de toutes les convoitises.

 

Par phibes, le 5 février 2011

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Notre avis sur L’homme squelette

Après avoir, depuis le début de sa jeune carrière, œuvré en solo sur des récits « faits maison », Will Argunas se lance cette fois-ci dans l’adaptation. Fidèle aux ambiances américaines baignées d’un profond mystère et d’une certaine pesanteur, ce dernier a retenu l’un des récits policiers écrit en 2004 par Tony Hillerman, auteur spécialisé dans des écrits mettant en exergue socialement et culturellement la communauté indienne du sud ouest des Etats-Unis et dont le travail littéraire a déjà fait l’objet de bandes dessinées (Là où danse les morts avec Franz).

Ce nouveau one-shot signe « l’assagissement » de Will Argunas qui, jusqu’à présent nous avait gratifié d’aventures psychologiquement marquantes (Bloody September, Missing…). Il n’en demeure pas moins que le fait de mettre en images L’homme squelette démontre particulièrement sa volonté de flirter avec des enquêtes plus classiques certes mais assurément non dénuées d’intérêt.

En cet opus, il n’est pas question de personnages à la dérive, mais plutôt une étude sur des caractères empreints d’une certaine sagesse associés à d’autres beaucoup plus intéressés. En particulier, pour ceux qui connaissent la saga liée aux enquêtes de la police tribale navajo, nous faisons la connaissance avec le protagoniste clé celles-ci, Joe Leaphorn retraité dans le présent épisode, par lequel le récit va nous être narré. De même, il sera suivi de près par ses anciens subordonnés Jim Shee et sa future femme Bernie Manuelito.

L’affaire qui nous intéresse et qui a trait à des diamants, a la particularité de s’installer dans le temps, tout d’abord au travers d’un grand flash-back initié par le policier à la retraite et ensuite à la faveur de la résurgence d’une tragédie aérienne ancienne (1956) qui va être la base de l’émoi d’un certain nombre de personnage. Usant d’un découpage assuré prouvant qu’il a bien assimilé la structure du roman, Will Argunas fait succéder assez rapidement les séquences pour une mise en place de l’intrigue à la manière d’un puzzle. Les transitions sont directes, franches et ont pour effet, de par leurs messages succincts, de dévoiler progressivement l’histoire sur les fameux diamants et en filigrane le propriétaire de ceux-ci.

Bien que le suspense ne soit pas des plus torrides (on comprend assez vite où l’auteur veut en venir), on se laisse prendre au jeu des protagonistes, plongés dans une atmosphère nimbée de culture indienne, qui fondent sur l’endroit stratégique que constitue le Grand Canyon.

Graphiquement, Will Argunas nous propose un travail fourmillant qui reste en harmonie avec l’ambiance générale de l’enquête policière. Son style prend ici une orientation moins hachurée que d’habitude, plus claire, laissant apparaître une volonté de représenter son équipée dans un réalisme plus franc. Si ses personnages sont bien représentatifs, ses décors du Nouveau Mexique qui apparaissent dans leur démesure et leur dépouillement, sont d’une grande beauté, rehaussés par une colorisation adéquate.

Une adaptation remarquable qui s’inscrit excellemment dans la collection Rivages Casterman Noir.

Par Phibes, le 23 février 2011

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