L'homme au landau et autres histoires

Cette Première intégrale rassemble en un volume l’ensemble des histoires réalisées par Jacques Lob en tant que scénariste ET dessinateur pour l’Écho des Savanes, Nimbus etc. !
On peut donc découvrir ainsi "L’homme au landau" (1975-77), "N.Y. Love Story" (1982), "Batmax" (1981-82), "Bwana, le seigneur de la futaie" (1980), "Lob de la jungle" (1980) ou encore "Les aventures de Roger Fringant" (1976-79) !

Par fredgri, le 24 septembre 2015

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Notre avis sur L’homme au landau et autres histoires

On connait Jacques Lob comme scénariste aux multiples facettes, créateur entre autres de "Superdupont" avec Gotlib et du "Transperceneige" avec Rochette, sans parler de ses collaborations avec Pichard, avec Jijé… ! Il reste néanmoins l’un des scénaristes majeurs des années 70/80, l’un de ceux qui amenèrent la bande dessinée vers un public plus adulte.

Mais ce que l’on sait moins c’est que ce pilier de Pilote fit ses débuts en tant qu’illustrateur dans la presse catho avant de se consacrer, suivant les conseils de Charlier, aux scénarios… Il faudra attendre l’impulsion de Nikita Mandryka, au milieu des années 1970, pour le voir retourner à ses crayons et entamer les aventures de cet étrange "Homme au landau".

Avec ces planches, Lob se met en scène sous les traits d’un homme-enfant vivant dans un landau, apitoyer les femmes qui s’arrêtent en se plaignant de son sort. Une fois ramené dans leur appartement, il laisse libre cours à tout ses caprices et autres fantasmes fétichistes. L’homme-gamin devient alors un véritable parasite qui joue sur les sentiments, sur l’instinct maternel et sur l’acceptation soumise de ces belles qui suivent le moindre de ses desiderata œdipiens !
Léa, qui se laisse "avoir", est belle et généreuse, ses formes gracieuses se moulent à la perfection dans le moindre des bas résille que lui impose Igor… D’emblée on ne peut que tilter sur le côté freudien de ces pages, cette transposition ultra sexuée de l’enfance, du rapport à la mère.
En contre partie, cette partie ne manque pas d’humour certes, néanmoins il y a un tel propos sur l’inconscient en filigrane qu’on en est presque dérouté… Igor exige de Léa une humiliation permanente, allant même jusqu’à lui rouler dessus avec son landau… En regardant la télé il rêve d’être tiré par un attelage de femmes habillées de cuir, mors à la bouche…
Mais en lisant la suite on peut aussi, très vite en venir à véritablement apprécier le second degré sans cesse présent dans ce volume !

Après tout, dans Batmax, il parodie sans détour l’univers des justiciers avec ce gamin qui se se dissimule derrière un masque aux oreilles de Mickey pour intervenir lorsqu’un prétendant un peu trop insistant entreprend de séduire sa mère (prétendants qui sont généralement tous agressifs, voulant forcer la jeune femme, innocente sans défense, à se laisser faire) ! Puis Lob inverse les codes de Tarzan avec "Bwana, le seigneur de la futaie", qui raconte comment un jeune africain s’est retrouvé dans les forêts de la Creuse, élevé par des écureuils… Ou encore "Les aventures de Roger Fringant" qui pastichent allégrement les strips d’aventure comme Flash Gordon ou Buck Rogers… Sans oublier "Lob de la jungle" qui raconte la vie fantasmée d’un enfant qui s’imagine , lors d’une fugue, rejoindre Tarzan et le Fantôme du Bengale et vivre à leur côté !

Avec cet humour pince sans rire Lob est hilarant, car ces parodies affichent sans détour les références à ces ainés. De plus, il n’hésite pas une seconde à se mettre en scène, transformant cette vie de papier en une sorte d’autobiographie irréelle, plongée inconsciente dans l’esprit d’un auteur complexe et fascinant !

J’avoue personnellement avoir bien plus apprécié la suite du volume après "L’Homme au landau", cette désacralisation pleine de respect des vieilles BD populaires est vraiment savoureuse, car elle permet de non seulement porter un nouveau regard sur ces personnages, sur le rapport du lecteur/auteur à la fiction, mais il amène surtout un portrait plus intéressant sur Lob lui même… Sur cette manière de se représenter, de jouer avec son image, avec cette autodérision passionnante et troublante !

La préface très documentée, est signée par Jean-Pierre Mercier, conseiller scientifique du CNBDI d’Angoulême, il commente la carrière de Lob, ses histoires présentées dans ce volume. C’est très instructif et ça ouvre des pistes de lectures très pertinentes.
Le livre est réalisé aux 3/4 à partir des originaux de l’auteur, et cette sortie va s’accompagner d’une exposition dans le cadre du festival BD BOUM (du 20 au 22 novembre 2015) à Blois, jusqu’au 16 janvier 2016.

Une magnifique occasion de redécouvrir cet auteur très important !

Par FredGri, le 24 septembre 2015

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