GRANDE EVASION (LA)
Biribi

En 1898, au Maroc, deux soldats français condamnés par la cour martiale atteignent le camp disciplinaire situé non loin d’Azrou pour purger leur peine. A peine arrivé, l’un d’eux, Ange Lucciani dit le corse ne tarde pas à s’attirer non seulement les foudres du responsable du camp mais aussi celles de ses pairs. Aussi, entre la tyrannie instaurée par le chaouch et la perversité des autres prisonniers, Ange n’a d’autre solution que d’imposer sa personnalité à coups de poings et d’insubordination pour parvenir à mettre en œuvre son projet, celui de se carapater de cet enfer. Mais sa marge de manœuvre est des plus ténues et les occasions de se faire réprimer sont nombreuses. Mais à force de patience et d’obstination, Ange tente le coup. Parviendra-t-il à damer le pion à ses gardiens et à l’intransigeant chaouch ?

 

Par phibes, le 2 mai 2012

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Notre avis sur GRANDE EVASION (LA) #1 – Biribi

Alors que vient de paraître chez Futuropolis son dernier album relatif à la problématique carcérale d’aujourd’hui (20 ans ferme), Sylvain Ricard reste dans cet univers confiné et remonte partiellement dans le temps pour évoquer celle des camps disciplinaires créés au 19ème dans les colonies françaises pour mater les militaires indociles.

Cet opus qui complète la volumineuse collection aventureuse dirigée par David Chauvel, Conquistador, nous plonge donc dans cet enfer pénitentiaire exotique au moyen d’une aventure vécue par un incarcéré. S’éloignant de la réalité territoriale (le Maroc n’est pas à la date concernée sous influence française), Sylvain Ricard nous offre un récit, pourrait-on dire comme à son habitude, d’une grande force évocatrice (à l’instar de Trilogie urbaine, La mort dans l’âme, Stalingrad Kronika…), véritable témoignage du régime à la dure dont étaient victimes les enjôlés.

Dans cet environnement sans pitié parfaitement bien campé, on découvre un face-à-face puissant entre le personnage principal Ange (le prénom est bien choisi par le fait qu’il n’est pas en rapport avec celui qui le porte) Lucciani et son impitoyable geôlier. L’affrontement qui en découle est l’occasion d’opposer des caractères forts portés à leur paroxysme avec d’un côté, un prisonnier extraordinairement effronté, indomptable et de l’autre, un chaouch subversif, déshumanisant ô possible et plein de morgue. On y découvrira également la terrible loi de ce milieu instaurée par les prisonniers eux-mêmes arborant multiples tatouages et prônant un avilissement de la personne sans aucune compassion. De fait, l’ambiance qui n’est pas sans rappeler Biribi (le film de Daniel Moosmann inspiré du roman de Georges Darien) se veut des plus tendues et nous plonge dans des moments terribles, intensément torrides, avec un espoir toutefois, celui généré par les tentatives de désertion.

Fort de son travail dans la saga Sans pitié et dans son dernier album Dos à la mer, on a la sensation que Thomas Olivier aime s’abreuver des récits durs, sans appel et douloureux. Cette aventure carcérale est là pour le confirmer. Ce dernier use d’un trait au réalisme frissonnant, faisant état d’une violence non loin de la réalité qui sied au témoignage interpellant porté par le scénariste. La dureté des traits de ses personnages est bien ressentie, grâce à un encrage assurément maîtrisé, remarquablement mis en valeur par une colorisation chaude et parfaitement adaptée.

Une évocation complète, impitoyable, pleine de souffrance et sans appel.

 

Par Phibes, le 2 mai 2012

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