GRAND BOURGOGNE OUBLIE (UN)
Un grand Bourgogne oublié

Manu, viticulteur de profession, est venu rendre visite à ses copains récemment installés à Montluçon dans leur nouvelle maison. Un tantinet rustique, cette dernière entame la curiosité de notre viticulteur qui n’échappe pas à un tour du proprio. C’est dans ses caves humides et impressionnantes que Manu fait la stupéfiante découverte d’un lot de bouteilles anciennes dont certaines sans étiquettes, qui, après examen, s’avèrent de très grands crus issus du bordelais et de la Bourgogne. Après un rapide examen, Manu et son ami se lancent dans une dégustation sans éclat et finissent par s’arrêter sur une bouteille dont l’étiquette a pratiquement disparu et sur laquelle subsiste la date de 1959. Les arômes dégagés étant prometteurs, Manu met le breuvage ambré dans une carafe afin qu’il libère tout son potentiel. Et c’est au moment où il le porte à ses lèvres qu’il tombe entièrement sous son charme. S’il sait pertinemment d’après le goût qu’il s’agit d’un vin bourguignon et qu’il a été constitué à base de pinot noir, il se voit dans l’impuissance de percevoir de quelle appellation il est issu. La révélation est telle qu’il confesse à ses amis que c’est le vin qu’il a toujours espéré de produire et qui serait en totale harmonie avec la parcelle qu’il lorgne depuis bien longtemps. Ne pouvant en découvrir d’avantage, Manu décide prestement de mener son enquête en faisant jouer ses réseaux d’avertis.

Par phibes, le 19 septembre 2014

Notre avis sur GRAND BOURGOGNE OUBLIE (UN) # – Un grand Bourgogne oublié

La collection Grand Angle de chez Bamboo a réellement le vent en poupe tant les romans graphiques qu’elle met en avant ses dernières années (L’envolée sauvage, Une nuit à Rome, Une vie à écrire, Où sont passés les grands jours, Ceux qui me restent…) sont d’une richesse émotionnelle pour le moins remarquable. Ce nouveau one-shot en est la preuve certaine et vient, par là-même, nous immerger dans les saveurs passionnées de la viticulture dont Emmanuel Guillot, Hervé Richez et Boris Guilloteau se sont pleinement accaparés.

Histoire complète donc, Un grand Bourgogne oublié se veut dévoiler la quête d’un amoureux de la vigne qui incidemment, à la suite d’une dégustation pourrait-on dire à l’aveugle, tombe sous l’emprise d’un ancien nectar qu’il va tenter d’identifier. Loin d’être une fiction ubuesque, ce récit se veut presque autobiographique (Emmanuel Guillot, en professionnel de la viticulture, semble se retrouver pleinement dans son personnage principal, Manu) et vient à se raccrocher (voir le petit dossier explicatif en fin d’album) à un territoire reconnu pour ses bienfaits, des lieux historiquement vivants, des faits nobles et des personnages qui existent réellement.

Non loin des fragrances que lecteur ne manquera pas de comparer à celles de Châteaux Bordeaux (la thématique du vin mystère y est aussi abordée) de Corbeyran et Espé ou encore de celles de Les ignorants de Davodeau, cette enquête pleine de ferveur au cœur du milieu viticole bourguignon est des plus enthousiasmantes. Manu, en limier fervent, nous entraîne sans équivoque dans son tourbillon obsessionnel et par ce biais, nous fait découvrir, au travers d’une enquête particulièrement initiatique, tout un univers, un cérémonial des plus respectueux et enfiévré qui tournent autour de la dégustation des breuvages sacrés. Pour cela, les coscénaristes ont choisi favorablement, pour accompagner les circonvolutions du viticulteur possédé, une terminologie qui est très caractérisée, portée par des intervenants qui connaissent pleinement leur sujet et surtout qui ont le talent d’apprécier le grand vin jusque dans ses moindres arômes.

Boris Guilloteau, de son coup de crayon qu’il a pu faire évoluer dans l’animation, trouve ici une expression semi-réaliste qui fait mouche. D’un trait délié, accompagné par un bel usage d’aplats de gris et de subtils soupçons de rouge vin, ce dernier donne un très bon aperçu de son talent d’illustrateur. Il remplit parfaitement sa mission en croquant généreusement la belle région bourguignonne, ses chais, ses ambiances aromatiques et également les personnages clés (qui l’a eu l’occasion de rencontrer) dans des spécificités superbement dessinées.

Une excellente histoire qui porte au pinacle une quête enfiévrée sur les bienfaits ancestraux d’une région qui prouve encore sa générosité et que tous, initiés et profanes, pourront déguster suavement. Un très bon cru à saluer !

Par Phibes, le 19 septembre 2014

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