Gran café Tortoni

 
Poussez la porte du Gran café Tortoni et installez-vous à l’une de ses tables. Il y a fort à parier que si vous n’y repérez pas d’artiste en vue, vous aurez immanquablement comme voisin un client ou un autre qui en aura vu passer et qui saura vous raconter leur histoire. C’est l’expérience que va vivre un jeune homme venu dans l’espoir de rencontrer un maître tanguero dont il souhaiterait devenir l’élève…
 

Par sylvestre, le 24 février 2018

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Notre avis sur Gran café Tortoni

 
Le Gran café Tortoni est un lieu emblématique qui, comme certaines adresses à Paris, a construit sa renommée sur celle de clients remarquables qui l’ont fréquenté ou le fréquentent encore : des grands noms de la musique, de la danse, de la scène, de la littérature ou de tout autre art en vogue. Le Gran café Tortoni se trouve sur la Plaza de Mayo, à Buenos Aires, en Argentine. Les noms des artistes dont le scénariste Philippe Charlot nous parle dans cette bande dessinée ne vous parleront donc sûrement pas ; à moins que vous soyez un fin connaisseur du tango – véritable institution nationale – ou un amateur éclairé de la sphère culturelle sud-américaine.

Après trois planches qui invitent le lecteur à pénétrer dans les lieux, l’image colle à un jeune homme dont on ne saura jamais le prénom mais qui sera le récipiendaire de toutes les histoires qu’on va découvrir, au fil des pages, en même temps que lui. Un premier client lui parlera d’un célèbre mime et de son imprésario, un autre lui parlera de sa rencontre, enfant, avec un musicien fier autant qu’il devait être virtuose, un troisième lui racontera la nuit qu’il a passée avec une véritable muse… Tout cela sous l’oeil paternaliste et un brin taquin de Rodolfo et Mina, les gérants du lieu, qui eux aussi iront de leur histoire et de leurs souvenirs…

Tout est en ambiances dans cette BD, et nos yeux commanderaient presque à nos oreilles d’entendre le cliquetis des cuillers dans les tasses de café, le murmure des conversations ou les bruits de la rue lorsque la porte s’ouvre. Mais d’autres sons sont à imaginer lorsque les récits faits par les interlocuteurs du jeune client nous embarquent dans des saynètes où joue une pointure du bandonéon, où chante un novice impressionné, où danse avec un talent sur mesure Rodolfo quand il n’était encore qu’un jeune tanguero…

Doubles pages à bords perdus, style de dessin changeant à l’occasion, jeux de lumière blanchissant parfois les scènes à l’extrême, hommage à l’art de Hugo Pratt… Côté graphisme également, tout a été mis en oeuvre pour que l’on soit conquis par la lecture de ce one-shot ; sans que ces régulières différences de genre viennent perturber la cohérence du tout. Au contraire, elles accompagnent la diversité des gens qui nous sont présentés et soulignent la richesse du mythique lieu et des âmes qui l’ont marqué.

Gran café Tortoni est de ces bandes dessinées qui chatouillent les sens et qui parviennent à séduire même leurs lecteurs les moins au fait. A mi-chemin entre voyage et biopic, entre expérience sensuelle invitant à l’abandon et exigences d’une culture et d’arts codifiés, c’est une lecture qui vous emportera ; au son des notes, au rythme des pas, et pourquoi pas jusqu’au fond des yeux de Mina…

Superbe !
 
 

Par Sylvestre, le 24 février 2018

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