Fulù

(Fulù 1 à 5)
Fulù est arrachée à son Afrique natale, elle est entrainée au Brésil, vendue comme esclave au Duc de Viana. Elle va plonger la famille à sa ruine en les manipulant les uns et les autres. Puis, elle va se retrouver sur les planches du marché aux esclaves pour être racheté par Balthazar l’escroc qui parcours le pays à la recherche de pigeon prêts à dépenser des sommes faramineuses pour posséder le fameux élixir qu’il vend, un élixir capable de transformer le plomb en or…
Or voilà, Balthazar a une sœur, Aldaba, et cette dernière ne voit pas d’un bon œil cette jolie esclave qui provoque les passion… le destin du frère et de la sœur incestueux va donc se précipiter pour finir en catastrophe, une nouvelle fois.
Puis elle fuit, libre et désenchantée, ne parlant pas beaucoup, faisant des rencontres, capturée, libérée. Elle n’a rien. Elle avance.

Par fredgri, le 30 juillet 2011

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Notre avis sur Fulù

Cinq albums, en tout, parus chez Glénat de 89 à 92 après une prépublication dans le magazine Vécu. Il s’agit là de la première véritable publication française de Eduardo Risso, l’artiste du projet, qui accompagne le scénariste Carlos Trillo.
Trillo va vite devenir, avec Ricardo Barreiro, l’un des collaborateurs les plus fidèles et les plus productifs de Risso. Tout les deux, ils vont produire « Simon » (1992), « Vidéo Nocturne » (1993), « Je suis un vampire », « Borderline », « Chicanos » (1995), « Lectures macabres » (1997) et « Lune Rouge » (1998).
Depuis que Eduardo Risso est parti travailler pour les américains, il semblerait que leur fructueuse associations soit en stand by.
Néanmoins, Fulù, qui est donc leur premier travail ensemble, représente bien toute la richesse et toute l’intensité que l’on retrouvera ensuite dans les projets du duo argentin. Le scénario allie très adroitement l’esprit d’aventure que l’on pouvait trouver dans ces vieux récits de pirates, un côté mystique qui ajoute une atmosphère envoutante, qui intensifie le regard charmeur de cette belle fuyarde tout en permettant à Eduardo Risso de vraiment s’éclater sur chacune de ses planches, et une certaine dose de désenchantement mystérieux.

On est donc bel et bien dans une série passionnante.
On a un premier album qui peut très bien se lire seul, mais qui a aussi le mérite de bien poser le récit et l’héroïne.
Voilà, on a une femme qui est enlevée à son village natale, en Afrique, on la suit chez son premier maître, et sa beauté envoutante commence à semer la zizanie dans le cœur des hommes. Elle en profite pour y mettre son grain de sel, et tout le monde finit par s’entretuer. Et il s’agit bien de ça, ici, d’une femme qui bouleverse tout ceux qui l’approche, qui joue avec cette fascination qui la suit, mais qui est malgré tout destinée à en baver, à devoir fuir, à composer toute seule.
Fulù devient ainsi une femme forte, exceptionnelle, qui semble subir, en premier lieu, mais qui très vite montre le visage d’une femme qui va se battre avec ses armes.
Malgré tout, elle ne se résigne pas à bêtement se « coucher ». Elle sait que les hommes qui la suivent seraient prêts à tout pour la garder à leurs côtés, néanmoins elle garde son mystère et ses convictions.

Le cadre se situe au temps des pirates, entre le Brésil et l’Afrique. Durant tout le récit Fulù demande conseil auprès d’un esprit qui la guide, l’aide depuis qu’elle est petite, un esprit que sa mère a appelé pour elle, pour la protéger. Il s’agit du vieux Nder Saba. Ces dialogues rajoutent une dimension ésotérique au récit, on entre ainsi davantage dans l’héritage de la belle africaine, ses racines, ses coutumes. Trillo développera davantage cet aspect dans le dernier tome, il s’en servira à la fois pour renforcer la relation entre la jeune femme et l’esprit, mais surtout cela permettra aussi de recadrer « l’action » sur les terres africaines, afin de relier Fulù à ses origines.
On n’est toutefois pas dans un récit « ethnique », mais bel et bien dans de l’aventure.
Ce « background » n’est principalement là que pour accentuer le côté « déraciné » de Fulù, pour bien appuyer sur le destin de ces expatriés de force que furent tout ces esclaves, forcés à subir le joug des blancs avides d’or faciles, avides de pouvoir, sans aucune considération pour ces êtres qu’ils méprisaient sans distinction. L’héroïne est donc le symbole de cette immonde barbarie. Elle est cet or noir qui se retrouvait sur les marchés, enchaîné et vendue comme du bétail. Elle va relever la tête et écrire elle même son histoire.
Comme je l’ai dit un peu plus haut, le scénario est donc passionnant. J’ai dévoré ces planches d’une traite. Non seulement parce que le dessin de Risso est magnifique, jouant avec les contrastes, s’amusant à s’attarder sur des détails, le tout avec une narration sans faille, entre contemplation et scènes plus enlevée orchestrées avec une précision qui deviendra vite sa carte de visite.
On sent, quand même, que dans ces premiers albums, les influences sont plus variées qu’actuellement, on retrouve un peu de Giraud dans les angles, dans sa façon de dessiner les détails, par exemple (ensuite, il va aller bien plus vers l’épuration, se débarrassant complètement de ces influences pour ne garder que la patte de Miller, qui va l’accompagner jusqu’a maintenant !). Il lui arrive même de glisser dans quelques cases isolées des éléments crayonnés (en rappel à son très bel album au crayon, « Parque Chas » avec le scénariste Ricardo Barreiro, en 1987). Mais, on sent déjà poindre ce regard graphique si particulier qui va amener de nombreuses planches à couper le souffle.

Eduardo Risso est un artiste très prolifique et comme il est très régulièrement réédité on a l’impression qu’il est partout. En ce moment, par exemple, sont publiés les traductions de Borderline (Point de rupture chez Delcourt), de 100 Bullets (chez Panini) et de Fulù (chez Glénat)…
Depuis son arrivée sur le marché américain, il a produit un grand nombre de comics dont les très remarqués 100 Bullets (100 numéros), une mini série et un one shot sur Alien, une mini série sur Wolverine etc. Son nouveau scénariste fétiche étant dorénavant Brian Azzarello, un auteur fasciné par les ambiances noires et crasseuses. En ce mois de Juillet sort donc cette intégrale Fulù, en un album, petit format (la collection [LES INTEGRALES], à 15€) et exceptionnellement en noir et blanc. Le format ne gène en rien la lecture et l’absence de couleur ne fait qu’accentuer le travail de Risso. C’est une très belle opportunité pour découvrir cette série trop longtemps absente des bacs des librairies. Les albums originaux ne se trouvant qu’en occasion, et souvent à des prix assez rédhibitoires.

A bien des égards Fulù peut n’apparaître que comme une œuvre des débuts… Mais ne vous y trompez pas, tout les aspects de cette série sont parfaitement maîtrisés et démontrent, au contraire, que nous avons à faire, ici, à deux auteurs aux styles très affirmés, très surs.
Il n’ y a donc rien de bien prétentieux dans cet album, uniquement de l’évasion, avec un contexte qui peut porter à la réflexion, mais jamais cela n’entache le plaisir de lecture qui se dégage des moments passés à feuilleter ces planches. Néanmoins, Trillo sait varier le rythme de son histoire, allant du lent au plus rapide, faisant traîner ici pour accélérer là.

Une très belle découverte.

Par FredGri, le 30 juillet 2011

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