FLEURY-NADAL (LES)
Anahide

En juin 1915, l’empire ottoman est en guerre. Dans ce conflit de portée mondiale, une mesure radicale prise par les autorités turques conduit au "déplacement" du peuple arménien. Anahide Zakarian, adolescente de 10 ans, fait partie du convoi qui part de Trébizonde pour une destination inconnue, encadré par des soldats turcs. Capturée par une faction de rebelles kurdes, elle est séparée de sa famille et est contrainte de servir son ravisseur.

En juin 1987, au moment où la Turquie s’est portée candidate à son adhésion à la Communauté européenne, Esma Gürsel, citoyenne allemande d’origine turque, accompagne sa grand-mère Filiz Yilmaz sur la terre de ses ancêtres. Mais ce retour aux sources est loin d’être des plus réjouissants car il va faire émerger un passé que l’"l’hanané", elle-même, ne peut plus contenir.

Par phibes, le 29 novembre 2009

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Notre avis sur FLEURY-NADAL (LES) #4 – Anahide

Frank Giroud poursuit son évocation généalogique de la famille des Fleury-Nadal. Après Ninon Nadal et son fils, Benjamin Fleury, il saute deux générations pour s’attacher à la destinée d’Anahide Zakarian, arménienne de son état et sœur de Missak Zakarian dont les péripéties partielles ont été contées dans le tome V et XI de la série mère "Le décalogue".

C’est sous la forme d’une histoire complète que le scénariste retrace le parcours mouvementé d’Anahide, cette jeune arménienne pleine de vitalité, qui va être malheureusement confrontée au premier génocide du 20ème siècle. Pour ce faire, c’est par la narration de l’hanané d’Esma que l’ampleur de la catastrophe humaine sera dévoilée, fait hautement marquant par sa violence et sa déshumanisation.

En fin stratège, Frank Giroud entretient un suspense admirable en jouant sur les époques et nous permet d’appréhender la tragédie du "déplacement" dans des moments d’intenses émotions. Il fera naître progressivement le secret que détient Filiz, dans une évocation identitaire et religieuse dont on pourra apprécier l’excellence de sa portée. A ce titre, afin de mieux percevoir le malaise de la situation de la vieille femme, l’auteur jouera sur l’ambivalence de celle d’Esma, sa petite-fille, née de l’association de deux cultures bien différentes, qui n’en finira pas de se questionner sur les errements voulus de son pays d’origine.

L’histoire, basée sur des évènements historiques graves, est belle, très émouvante et fait une analyse vigoureuse, dans des termes mesurés, de la position actuelle du système turc qui refuse de reconnaître un pan douloureux de son passé historique.

Pour les besoins graphiques de cet épisode oriental, Frank Giroud a fait appel à Didier Courtois qui, fort de son travail dans la série "Louis Ferchot", assure un passage remarquable dans la saga. Son trait, bien expressif, révèle une douceur perceptible tout au long des 54 planches. On pourra apprécier son aptitude à jongler habilement entre les époques, grâce aux tenues vestimentaires et aux décors merveilleux qu’il réalise avec soin et qui mettent bien en valeur les us et coutumes turques. A cet égard, la vision évolutive de Trébizonde aura son charme et donnera un aperçu, avec d’autres plans, de son gros travail documentaire.

Une épopée attendrissante sur fond de drame à l’échelle de tout un peuple qui s’intègre parfaitement dans la belle série des "Fleury-Nadal".

Par Phibes, le 29 novembre 2009

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