L'étreinte

Revenant de Cadaquès, tandis que sa compagne Romy conduit la voiture qui les transporte, Benjamin, sculpteur de son état, s’est plongé dans l’examen de son portable. Alors qu’il fait le tri de ses photos, il tombe sur celle qui représente une crique au centre de laquelle une jeune femme git allongée langoureusement sur le sable. Subjugué par le cliché et par la belle inconnue, il ne peut s’empêcher d’en effleurer visuellement ses courbes et de se poser mille questions sur cette dernière. C’est à ce moment que le crissement des freins le tire de sa béatitude et qu’il aperçoit avec effarement une voiture qui fonce sur eux. C’est le choc irrémédiable. Se retrouvant à l’hôpital, Benjamin, blessé superficiellement, découvre l’état de Romy qui est plongée dans un coma profond. C’est la consternation totale. Une très longue attente incertaine commence, durant laquelle le jeune homme cherche des réponses tout en se plongeant dans le souvenir. C’est alors qu’il apprend que ses œuvres vont faire l’objet d’une exposition à Paris. Tout en se replongeant dans le travail, il ne peut s’empêcher de se remémorer ce qu’il vient de vivre et de crier au désespoir au vu du peu d’amélioration de l’état de Romy. C’est en cherchant une échappatoire à sa situation qu’il décide de se refocaliser sur la photo de la mystérieuse inconnue et de partir à sa recherche.

Par phibes, le 22 septembre 2021

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Notre avis sur L’étreinte

Alors qu’ils n’ont jamais travaillé ensemble, Jim, l’artiste courtisan de la dimension humaine, et Laurent Bonneau, illustrateur multi-facettes, prennent le parti de se lancer une sorte de défi en mettant en commun leur talent pour en produire quelque chose de dramatiquement positif. L’Etreinte est ainsi née, à la suite d’un mélange des rôles et d’une gestation peu conventionnelle, mais au résultat ô combien impressionnant dans tous les sens du terme.

D’une consistance inexploitée chez l’éditeur Bamboo, ce gros volume de plus de trois cent pages est l’occasion de nous introduire dans une histoire mystérieuse à la structure simple mais aux circonvolutions poétiques et contemplatives plus subtiles. Prenant pour centre Benjamin, elle nous enseigne ses errements face à une tragédie qui le touche en plein cœur et qui le pousse à trouver un exutoire insoupçonné. C’est donc une sorte de partage affectif entre deux femmes que nous découvrons ce personnage, amoureux des courbes corporelles et près à transiger avec ses émotions.

C’est dans une sorte de langueur volontaire que l’on suit Benjamin, une langueur sans trop de dialogues qui l’oriente dans une quête profonde qui a le privilège d’être assurément accrocheuse et qui concerne l’identification d’une tierce personne croisée au détour d’un cliché pris à la va-vite. Jim utilise pour animer cette dernière une narration intimiste prégnante, libérant au passage de nombreuses pensées sensibles et intenses, dans des sentiments d’attente, d’espoir, d’aspiration, d’amour… On se prend très facilement au jeu de ce personnage et on attend, comme lui, une réponse, qui, comme sait le faire Jim, sera auréolée d’émotions.

Evidemment, cette histoire hasardeuse se voit bonifiée par le remarquable travail illustratif de Laurent Bonneau qui, une fois encore, se joue de cette mixité qui lui sied à merveille, entre photographie et illustration. A la faveur d’un découpage pratiquement cinématographique, l’artiste joue superbement sur les plans, n’hésitant à brouiller ce réalisme qu’il met en exergue par des traits plus grossiers. Evidemment, le message passe dans sa richesse picturale, sans discours tout en intrigant sur ses dispositions et ne déçoit nullement. L’on concèdera que les personnages bénéficient de sa faveur, Laurent Bonneau étant un portraitiste avéré aimant croquer son prochain.

Une très belle histoire d’amour partagé aux accents mélancoliques dont la sensibilité et l’émoi qu’elle suscite ne manquera pas d’étreindre les amateurs de récits profonds.

Par Phibes, le 22 septembre 2021

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