Et Franquin créa la gaffe

En février, mars et mai 1985, Numa Sadoul rencontre André Franquin et il en ressortira quelques 34 heures d’enregistrement avec le maître. Rassemblé initialement en 1986, l’ouvrage a toutefois été rapidement épuisé. Glénat le réédite aujourd’hui dans une version extrêmement riche en illustrations et autres photos.

Par fredgri, le 14 décembre 2022

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Notre avis sur Et Franquin créa la gaffe

Franquin est en quelques sorte au cœur d’une petite polémique, en ce moment, au sujet de l’hypothétique reprise de Gaston, par Delaf, chez Dupuis. Un débat qui fait couler de l’encre. Est-ce un choix stratégique de la part de Glénat de rééditer justement ces fameux entretiens Sadoul/Franquin, publiés au départ par Distri BD-Schlirf/Dargaud, dans une belle édition augmentée ?

Toutefois, il n’est ici pas question de focaliser sur cette histoire, mais plutôt de rester concentré sur ce copieux pavé qui nous plonge dans les confidences du maître. Sou le ton des confidences que l’on peut faire un après midi, à l’ombre d’un arbre, il évoque sa carrière, sa jeunesse, ses influences, ses rencontres, le monde de l’édition et sa conception de la Bande Dessinée. Il s’arrête sur son passage sur Spirou, sur la création de Zorglub, du Marsupilami, sur l’arrivée de Gaston, son départ de la série, sa rencontre avec l’équipe de Fluide, la période du Trombone Illustré avec Delporte, les Idées Noires…

On sent bien que progressivement les deux interlocuteurs digressent tranquillement, au point de même, parfois en oublier le micro. On redécouvre un artiste qui, certes, doute, peine à partager l’enthousiasme et les louanges de son jeune camarade. Il partage ses confidences sur son métier, sans langue de bois, il évoque les coulisses de cette industrie dont il a été l’un des plus prestigieux acteurs, au gré des décennies et s’interroge sur ce qu’elle est devenue, sur cette notion d’Artiste qu’il ne comprend pas véritablement.
Peut-être vient-il d’une autre époque, peut-être est-ce même la raison pour laquelle il s’est petit à petit éloigné de ce milieu…

Derrière ces questions, ces réponses se dessine le profil d’un artisan qui nous a tous fait rêver, redéfinissant les limites d’une école graphique plus libre, plus imaginative aussi, débordant d’une énergie créatrice incroyable.

Mais ce qui se dévoile à nous aussi ce sont ces états d’âme, cette « déprime » que Franquin évoque, ce mal être qui ouvre les portes à l’amertume. Certes, il y a néanmoins de l’autodérision, entre les mots, qui se devine dans ces confessions sans compromis.
C’est la grande révélation de ce livre, cette faille qui révèle un auteur émouvant, jamais cloitré sur ses acquis, toujours à l’écoute des générations qui l’ont suivi, loin de ce piédestal sur lequel on l’a vite installé.

Un livre important, une page d’histoire enfin réhabilitée !

Par FredGri, le 14 décembre 2022

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