Les espionnes racontent

Quelle a réellement été la place des femmes dans les services de renseignements ces dernières décennies ? Pourquoi leur image se limitent souvent à la caricaturale appellation de « Mata Hari » ?
pour mieux réhabiliter le rôle de ces femmes au sein d’un métier vraiment pas comme les autres, Chloé Aeberhardt a décidé de relever un défi ambitieux : rencontrer d’anciennes espionnes.

Rares sont celles à avoir accepté de témoigner. Elles ont oeuvré pour les services français, américains, soviétiques ou encore israéliens.

Par legoffe, le 24 avril 2021

Notre avis sur Les espionnes racontent

L’auteure, Chloé Aeberhardt, a d’abord publié son enquête dans un livre d’investigation (édité chez Robert. L’ouvrage a, ensuite, été adapté en série animée pour Arte. Aujourd’hui, les dessins qui ont permis la création des vidéos pour la télévision viennent illustrer cette BD documentaire.

Elle se décompose en six épisodes, qui sont autant de rencontres entre la journaliste et six anciennes employées de services de renseignements. Les très jolies images d’Aurélie Pollet se partagent donc entre les entretiens, où l’on voit l’auteure et les espionnes aujourd’hui, et des scènes clés de leur passé.

C’est déjà un petit exploit pour Chloé Aeberhardt d’avoir pu rencontrer ces femmes issues d’un milieu logiquement très fermé, même après la retraite. Elle a d’autant plus de mérite qu’elle est parvenue à rencontrer des actrices du Renseignement venues du camp de l’OTAN, mais aussi de l’ancien régime soviétique.

Le livre permet de découvrir les capacités humaines ou matérielles de ces services pour mener à bien leurs objectifs à travers des exemples souvent étonnants. Formation et envoi de transfuges à l’étranger, création de couvertures surprenantes, manipulations…

Mais l’album a surtout le mérite de redonner aux femmes toute leur place dans ces opérations. Le cinéma ou la littérature ont souvent donné à la gente féminine des rôles mineurs ou caricaturaux. Rien d’étonnant, sans doute, venant d’une société restée longtemps très misogyne et dominée par les hommes.

Le message est aussi limpide que le récit livré par la journaliste. Et le regard international apporte des éclairages intéressants et, surtout, montre que le propos est assez universel !
L’exercice a, bien sûr, ses limites. Six portraits, cela n’a rien d’exhaustif. Ce sont des témoignages, qui valent pour certains aspects, certaines expériences, mais qui ne dressent pas un portrait complet du rôle joué par les femmes dans le monde de l’espionnage.
De plus, le format ne permet pas de s’immerger totalement dans la vie et l’expérience professionnelle des femmes étonnantes qui ont été interviewées. Il aurait fallu, pour cela, des entretiens plus longs et un roman pour chaque personnage !

Le travail de Chloé Aeberhardt permet néanmoins une bonne entrée en matière sur ce sujet. Elle l’a fait, de surcroit, avec sensibilité, l’auteure n’hésitant pas à faire part de son ressenti au fil des rencontres. Et les beaux dessins d’Aurélie Pollet parfont cette enquête. Les graphismes, très colorés et très vintages, sont vraiment adaptés. Ils nous rappellent, en effet, la grande époque de l’espionnage, celle de la Guerre Froide, même si certains des épisodes racontent des faits bien plus récents.

Par Legoffe, le 24 avril 2021

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