Des espaces vides

Miguel partage un moment de quiétude avec son fils. Ce dernier a trouvé une photo de son grand-père et ne manque pas d’en discuter avec son père sur le souvenir qu’il en a. Cet échange permet à Miguel de se rappeler ce que furent ses parents, son père, son grand-père, ce qu’ils vécurent en leur temps, à la faveur de témoignages recueillis dans des moments privilégiés qui, sans le vouloir réellement, ont permis de perpétuer la mémoire familiale. Aussi, afin d’éviter que cette dernière ne franchisse le seuil de l’oubli, Miguel a décidé de prendre son temps dans l’évocation de ces souvenirs pour que son fils puisse s’en rappeler plus tard et que son histoire de famille ne soit pas grevée, comme beaucoup d’autres, d’espaces vides irrémédiables.

Par phibes, le 27 mars 2017

Publicité

Notre avis sur Des espaces vides

Fraîchement débarqué dans l’univers de la bande dessinée, Miguel Francisco a décidé par son premier ouvrage grand public de se livrer à son lectorat, au travers d’une évocation autobiographique qui met en exergue la pérennisation des souvenirs familiaux. C’est à partir d’un échange des plus naturels avec son jeune fils que cette évocation intimiste débute et qui, par la suite, nous emmène à l’époque du père et grand-père de l’auteur.

Ce recueil, qui a tout de même la particularité de se décliner sur un peu plus de 110 pages, frappe par sa sensibilité, son zeste d’humour et sa générosité ambiants. Miguel Francisco titille avec habileté cette corde émotionnelle en nous offrant ses souvenirs de famille venant de son père, et que ce dernier a pu glaner de son père. C’est dans un mélange aéré de tranches de vie passées et présentes que l’artiste fait son évocation, via un effeuillage presque indolent et qui élude tout égocentrisme pesant, d’une simplicité et d’une diversité temporelle marquantes. On passe sans transition de Barcelone ou de la Finlande contemporaine, à la guerre civile espagnole, on fait un saut en Argentine, on revient à Barcelone, le tout au travers d’une déposition personnelle faisant apparaître des espaces vides que l’auteur a tenté de combler, certes ne serait-ce que pour satisfaire sa descendance mais au détriment d’une vérité volontairement tronquée à la base.

Pour un premier album, Miguel Francisco fait preuve d’un véritable discernement dans ce récit. Certes au niveau de sa narration mais aussi au niveau de son travail graphique. Issu du monde du jeu vidéo, l’artiste nous offre un travail esthétiquement très soigné, via un trait semi-réaliste qui dénote une grande rigueur. On en veut pour preuve les ambiances historiques dont certaines se veulent des clichés représentatifs des époques de guerre et de dictature. Similairement, les nombreux silences se révèlent on ne peut plus évocateurs. Par ailleurs, les personnages ont réellement du charisme et ce, grâce à cette expressivité qui les caractérise et que l’auteur a su accaparer et peaufiner de façon à les rendre vraiment convaincants.

Un très beau récit intimiste sur la mémoire familiale, traitée avec délicatesse et compassion, qui permet à son auteur de faire une entrée remarquée dans le 9ème art.

Par Phibes, le 27 mars 2017

Publicité