Les esclaves oubliés de Tromelin

À la fin du XVIIIe siècle, un navire négrier plein d’esclaves malgaches fait naufrage sur une minuscule île appelée jusque là "L’île de sable". Les survivants tentent de s’organiser tant bien que mal et au bout d’un moment ils réussissent à construire une embarcation, mais seul l’équipage blanc y prend place, abandonnant ainsi une soixantaine d’esclaves…
Les rescapés vont alors survivre sur ce bout de caillou traversé par les tempêtes jusqu’au 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, date ou le chevalier de Tromelin va accoster et récupérer les huit esclaves survivants…
Max Guérout, créateur du Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN)a monté plusieurs expéditions sous le patronage de l UNESCO pour retrouver les traces du séjour des naufragés. En 2008 il invite Sylvain Savoia à se joindre à la deuxième expédition d un mois sur Tromelin, afin qu’il puisse "offrir" une vision plus immersive de cette histoire et suivre les travaux de fouilles de l’équipe…

Par fredgri, le 27 avril 2015

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Notre avis sur Les esclaves oubliés de Tromelin

Cette histoire bouleversante qui nous entraîne à la fin du XVIIIe siècle, en plein esclavagisme, nous permet de redécouvrir l’un des "faits divers" les plus incroyables de cette période… Comment ce groupe d’esclave a-t il pu survivre sur ce bout d’île, pratiquement sans végétation, pendant 15 ans ?
Nous suivons donc deux histoires en parallèle l’une de l’autre. La première nous raconte le passé, avec le naufrage, avec les divers épisodes qui vont ponctuer cette survie, ces années. Puis nous suivons le mois de fouilles, en 2008, avec les découvertes, le quotidien et les impressions de Savoia au jour le jour !

On referme l’album, époustouflé par cette aventure, imaginant la vie au quotidien de ces hommes, de ces femmes qui se retrouvent seuls une première fois puis à nouveau abandonnés par les blancs qui s’enfuient, les laissant sur ce bout d’île, sans rien d’autre que la carcasse du bateau échoué, un peu de vivre et c’est tout !
Toutefois, l’album ne s’étend pas forcément sur le quotidien en lui même de ces esclaves, il insiste bien plus sur le sentiment d’abandon, sur cette envie de survivre et sur la nécessité de s’organiser, le reste nous le découvrons plus ou moins par le biais des fouilles de l’équipe archéologique qui exhume des éléments du sable, reconstituant une cuisine, de la "vaisselle"… Petit à petit nous découvrons l’envers du décor du récit.

Mais ce qui est finalement habile de la part de Savoia, c’est de présenter en parallèle l’existence de ces malgaches qui n’ont rien et qui vont résister au temps, et cette équipe de scientifiques, venus retrouver les traces de ces esclaves, qui vient avec tout le confort possible et qui commence déjà, au bout de quelques semaines, à ressentir les stigmates de cette vie loin de tout. Tout prend vite des proportions incroyables !

Depuis 1664, la Compagnie française des Indes orientales a progressivement organisé un réseau marchand qui permet, entre autre, de fournir l’Europe en épice, en tissu etc. Mais l’une de ses principales sources de richesse demeure l’esclavagisme. Quand l’histoire des esclaves de Tromelin éclate en 1776, elle sert parfaitement les abolitionnistes comme Condorcet et Bernardin de Saint-Pierre qui y trouvent l’exemple idéal, ce qui amènera à une première abolition signée en 1794 (date qui signe en parallèle le démantèlement de la Compagnie des Indes, pendant la Terreur !)

C’est vrai qu’on est vite touché par cette émotion palpable à chaque page. Il y a d’une part la vie de ces hommes et de ces femmes, les traces de leur mémoire, de ce quotidien hors du commun, mais aussi l’évocation d’un temps ou personne ne s’inquiéta pour ces naufragés pendant 15 ans, des hommes réduits à l’état de valeur inutile qu’on peut bien laisser "crever" sur une île… !

Sylvain Savoia relate donc ces deux récits avec beaucoup de justesse, s’attachant d’une part à l’émotion de ces survivants, et ensuite s’attardant sur ce séjour qu’il fit avec l’équipe de Max Guérout, ses propres impressions et l’évolution des fouilles. Plus on avance plus on s’immerge dans cette aventure humaine.
Peut-être ne ressent-on pas assez le temps passer pendant ces 15 ans, qu’on a le sentiment que le temps passe vite, les malgaches ne semblent pas énormément changer, par exemple… !

Mais en attendant cela reste un incroyable album, servi par des dessins magnifiques, plein de vie et d’un doux réalisme !

Néanmoins, j’avoue que l’album que j’ai eu en main souffrait quelques fois d’une erreur d’impression qui gâchait quelques passages, rendant illisible les textes, et c’est bien dommage, car justement, chaque regard, chaque mots participe à cette histoire et louper des pages entières à cause d’un bête problème technique est en soit injuste !
Donc méfiance, regardez bien l’exemplaire que vous aurez en main !

Par FredGri, le 27 avril 2015

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