ENRAGE (L')
Intégrale

Anton Witkowsky est un jeune garçon d’une vingtaine d’année qui habite avec ses parents dans une banlieue. A plusieurs reprises expulsé de son lycée, aujourd’hui seule l’obtention de son bac lui évitera le conseil de discipline et un renvoi définitif et sans retour… Ne pouvant compter sur ses résultats scolaires, Anton Witkowsky dont la rage le consume n’a qu’une seule idée en tête : gagner de l’agent vite et échapper à la perspective de terminer sa vie prisonnié des blocs de bétons qui l’ont vu naître. Anton n’est pas mauvais en boxe, il est même plutôt doué, toutefois sont père s’oppose farouchement au fait qu’il devienne boxeur professionnel. Pourtant Anton va devenir un grand champion mais à quel prix…

Par melville, le 21 novembre 2010

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Notre avis sur ENRAGE (L’) # – Intégrale

L’Enragé, voilà bien un titre à l’image de son auteur. Baru l’homme qui lutte, l’homme qui s’insurge contre les injustices sociales, mais aussi Baru l’homme qui n’oublie jamais qu’il est aussi un grand conteur d’histoires. Auteur incontournable du neuvième art, je reconnais bien volontiers nourrir une très grande estime pour Hervé Baru et son travail. Humaniste dans l’âme, ses livres sont marqués par sa personnalité forte et sans concession mais ne sombrent jamais dans le spectacle ou le populisme car il écrit avec son cœur et ses tripes. Baru est un auteur populaire dans le sens noble du terme, c’est-à-dire qui défend la cause du peuple. Il s’intéresse principalement à la jeunesse. A celle en mal de repaires, qu’une part de l’opinion public trouve un intérêt à stigmatiser comme « racaille de banlieue », et s’évertue à déconstruction les préjugés.

L’Enragé met en scène le destin de Anton Witkowsky et de ses proches. Le récit est à la fois dur car Baru nous décrit la rugosité de la vie de gens « enfermés » dans des ghettos surpeuplés et insalubres avec un réalisme qui touche, qui fait mal. Mais L’Enragé est aussi une histoire qui empoigne et transporte le lecteur dans un élan solidaire vif et sincère, comme un hymne à l’engagement politique (même si le propos de l’auteur n’est pas explicitement militant) et à l’insoumission. Le lire c’est prendre conscience, c’est grandir.

Construit comme un match en trois rounds, le récit est un combat de boxe en trois temps qui fait tour à tour intervenir les différents acteurs de l’histoire. Le premier combat est celui qui oppose Anton à son père. D’un côté un jeune homme qui ne réussit qu’à exprimer sa hargne et sa colère contre sa condition qu’au travers des coups de poing qu’il distribue dans ces matchs de boxe, plein de la fougue d’une jeunesse enragée, il porte en lui l’espoir de réussite de toute une génération qui ne croit plus en l’Ecole. De l’autre, son père usé et résigné qui ne sait trouver les mots et qui se refuse à considérer l’argent comme unique espoir d’ascenseur social. Le deuxième round oppose Anton devenu riche et célèbre sans pour autant avoir obtenu ce qu’il cherchait – une vie meilleure pour lui et les siens – à son ami d’enfance devenu journaliste à l’Equipe où il signe des articles assassins sur celui qu’il considère comme égaré dans un monde qui n’est pas le sien. Et enfin le troisième et dernier combat est celui de toute une génération contre la Justice, contre son injustice…
Loin d’être manichéen le récit révèle un regard juste et censé. Quelque part, Baru est un auteur qui dénonce mais qui ne juge pas, ce qui offre une vraie crédibilité et une vraie force son propos.

Son dessin haut en couleurs n’a pas de mal à exprimer pleinement les émotions de ses personnages, on vibre et on est transporté par lui au cœur de l’histoire. Par le biais de son trait, Baru nous communique avec aisance sa passion et sa révolte. Mais aussi son regard plein d’humilité, attardez vous sur le visage de père d’Anton que l’on aperçoit dans l’entrebâillement de la porte à la page 105…

Publié en deux tomes en novembre 2004 et avril 2006 dans la prisée collection Air Libre, Dupuis réédite aujourd’hui les deux volets de la série dans une intégrale. L’occasion de découvrir ce récit fort et riche.

Par melville, le 21 novembre 2010

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