En Italie, il n'y a que des vrais hommes

Deux jeunes journalistes, Rocco et Nico, entreprennent le tournage d’un reportage sur un sujet bien trop souvent oublié dans les nombreux ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale : la politique de mise au ban des homosexuels italiens décidée par Mussolini. Pour ce faire ils vont rencontrer un des survivants de cette époque aujourd’hui âgé de 75 ans, un dénommé Antonio Angelicola que tout le monde appelle Ninella. Commence alors le récit intimiste de la rencontre entre ces deux jeunes gens et le vieil homme, ponctué de flash back nous ramenant aux faits historiques de cette époque trouble.

Par melville, le 17 janvier 2010

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Notre avis sur En Italie, il n’y a que des vrais hommes

En Italie, il n’y a que des vrais hommes, sous-titré Un roman graphique sur le confinement des homosexuels à l’époque du fascisme est une bande dessinée italienne de Luca de Santis et Sara Colaone. Comme son nom l’indique elle traite de ce fait historique important et pourtant méconnu qu’est la mise en exil des homosexuels italiens par Mussolini peu de temps avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale Je pense que l’on peut remercier les éditions Dargaud de nous offrir la possibilité, à nous lecteurs francophones, de découvrir cette page de l’Histoire.

Lors de la refonte du code pénal sous Mussolini il avait été proposé, à l’instar de la législation en vigueur sous le régime nazi, des lois d’exception à l’encontre des homosexuels et à cette proposition le Duce répondit : "En Italie, il n’y a que des vrais hommes". Quel meilleur moyen pour lutter contre ces "déviants" que d’en ignorer l’existence : c’est donc dans ce but de discrétion que loin de tribunaux, des avocats et des journalistes, ces hommes furent confinés dans des centres spéciaux ou sur certaines îles du Sud de l’Italie.

Par le biais des 176 pages de ce roman graphique, les deux auteurs ont eu la volonté de nous faire part de ce pan oublié de leur histoire et je dois dire qu’ils ont réussi ! Luca de Santis mène son récit avec finesse et subtilité en mariant passé et présent. Le scénario progresse sur deux fronts avec d’une part l’histoire intimiste de la rencontre entre Ninella, vieillard fantasque de 75 ans et des deux jeunes journalistes, dont notamment de Rocco qui semble avoir des choses à cacher… Et puis d’un autre côté, à l’aide de flash back, le récit de l’exil de Ninella jeune dont le seul crime était de "s’adonner à la pédérastie passive, causant un grave préjudice à la morale publique et à l’intégrité de la race…". On y découvre le quotidien de ces gens considérés à l’époque comme différents, emprisonnés sur une petite île du sud de l’Italie comme prisonniers politiques, mais des prisonniers politiques pas tout à fait comme ceux de l’île d’en face… Les personnages renferment une grande profondeur et le tout est porté par le dessin de Sara Colaone à l’encrage marqué rehaussé d’une bichromie au ton suranné pour un rendu très doux. Impressionnant de maîtrise.

Je ne peux donc que trop vous recommander la lecture de cet ouvrage qui a su traiter de l’homosexualité avec beaucoup finesse et retenue en évitant le piège du communautarisme sans pour autant faire de concessions. A la fois dur, émouvant et même parfois drôle En Italie, il n’y a que des vrais hommes est à ne pas manquer ! Un devoir de mémoire qui nous concerne tous.

Par melville, le 17 janvier 2010

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