Elise et les nouveaux partisans (3/11)

En 1958, alors que l’Algérie cherche désespérément à s’émanciper dans les heurts, Elise arrive à Paris pour continuer ses études. Témoin de la terrible répression envers les algériens se trouvant sur le sol français et des massacres qui en suivirent en 1961 et 1962, elle se trouve dix ans plus tard au sein d’un groupuscule de militants maoïstes en train de fabriquer des cocktails Molotov. Malheureusement, l’une des bouteilles explose et la brûle sérieusement. Afin d’éviter d’être cueilli par la police, elle est entraînée par ses camarades dans une nouvelle planque. Là, prenant son mal en patience, elle se remémore son parcours ô combien sinueux et tourmenté qui, face à des inégalités et une injustice insupportables, l’a poussée à stopper sa jeune carrière de comédienne/chanteuse pour s’engager ouvertement avec les nouveaux partisans dans une lutte militante indéfectible.

Par phibes, le 23 novembre 2021

Notre avis sur Elise et les nouveaux partisans (3/11)

Sous le couvert de la maison Delcourt, Dominique Grange que l’on peut connaître grâce à ses interventions scénaristiques dans New-York mi amor, Le dernier assaut, vient en quelque sorte se livrer à son lectorat en lui offrant un récit idéologiquement puissant se rapportant à une jeune femme ayant vécu et même participé aux évènements forts des années 60/70.

Loin d’être une fiction, cette évocation s’inspire assez franchement du cheminement de l’autrice elle-même depuis 1958, de son engagement contre l’Etat français, contre toute forme d’injustice soulevée lors de la période concernée. Grâce à une narration personnelle portée par la fameuse Elise, nous replongeons dans l’Histoire, celle de la guerre d’Algérie, de son indépendance, de la période ante et post mai 68, des confrontations antifascistes et autres mouvements sanglants, des répressions gouvernementales, de la lutte des classes, des grèves réprimées dans la douleur, des revendications solidaires… l’on concèdera que le récit ne manque pas de références très précises prouvant évidemment la grande rigueur évocatrice de la scénariste pour être au plus près de la vérité historique.

Entre fiction et autobiographie, le témoignage d’Elise reste très fort et matérialise concrètement le militantisme autour duquel elle s’est construite (à partir du lycée), une volonté sans faille de révolutionner un système dans lequel elle ne se reconnaît pas et qui la pousse à stopper une carrière toute tracée pour prendre un autre cap. On découvre les nombreux combats auxquels elle participe avec ses compagnons de lutte, ses interventions politiques pour le prolétariat et contre le patronat, le tout dans une riche description partisane et sonore. La tonalité du récit se veut pour le moins revancharde, sans retenue et caractérise bien la personnalité d’Elise/Dominique. A cet égard, cette position très engagée sera peut-être de nature à heurter certaines sensibilités et poussera ces dernières à voir plus loin.

Evidemment, cette évocation intimiste a le gros mérite d’être illustrée par le fameux Jacques Tardi qui, on peut le dire, n’a pas son pareil pour restituer sur le papier l’Histoire avec un grand H. Dans un style graphique délié qu’on reconnaît entre mille, l’artiste croque le parcours d’Elise avec une réelle authenticité. Le modèle étant à ses côtés, il la représente généreusement dans cette épure picturale qui lui sied à merveille, l’encadrant de décors de toute sorte issus d’un travail documentaire indéniable.

Un témoignage engagé qui retrace avec force et fracas le parcours de ces nouveaux partisans dont les aspirations révoltées restent toujours d’actualité.

Par Phibes, le 23 novembre 2021

Publicité