DORA
Dora

On est en 1959, Dora est étudiante à Berlin, en parallèle elle travaille comme bénévole au Berlin Document Center, un bâtiment géré par les États Unis, qui garde tout les documents nazis récupérés après la guerre. Elle a eu ce petit boulot grâce à son amie et co-locatrice la belle Lotte. Le père de Dora a été exterminé dans un camp de concentration et sa mère vit à Paris. Alors qu’elle répertorie les documents, les classe et les fiche, Dora tombe sur une feuille de transfert pour un camp, le nom de son père y est mentionné, ainsi que sa fiche d’identification. Dès lors Dora commence à se constituer ses propres archives en photographiant les documents qui lui passent sous la main… Mais avec la mort de son patron elle doit retourner chez sa mère, en France.
Toutes les deux finissent par emménager à Bobigny. Là, la jeune fille rencontre Odile, une jeune musicienne qui lui présente ses amis et petit à petit Dora commence à faire des traductions pour le petit éditeur communiste autour duquel grenouille tout ce petit monde. Et c’est ainsi que Lucien la contacte, c’est l’un de ses commanditaires pour les traductions, son travail lui plait, mais surtout il sait que Dora a constitué des archives sur les nazis… Il lui demande de l’aider à débusquer Mengele, le médecin d’Auschwitz, en Argentine…

Par fredgri, le 12 octobre 2013

Notre avis sur DORA #1 – Dora

On avait laissé Dora en 1967, dans le très beau "Aleph Alif" paru en 2008 chez Emmanuel Proust, et on la retrouve 8 ans plus tôt à Berlin puis à Bobigny.
Dans ce premier volume, nous croisons aussi Judith, Lotte, ainsi que Lucien/Zvi, progressivement nous comprenons davantage les liens qui se tissent entre les personnages, les expériences qui vont amener ensuite à Aleph Alif, de façon très cohérente. Dora est une jeune fille de 16 ans à ce moment là, un brin idéaliste, mais d’un tempérament très posé. Elle découvre la vie, son amie Lotte perd sa virginité, Son autre amie Judith est partie s’installer en Argentine, il y a ce poid de l’Histoire, une Histoire qui lui pèse sur les épaules, et fouiller dans ces archives est une dure confrontation avec la réalité, avec le passé.
Minaverry laisse néanmoins le récit se dérouler lentement, glissant régulièrement des extraits de rapports nazis, de fiches, d’organigrammes. En entrant dans cet album on entre dans les archives de Dora, des archives qui nous expliquent comment fonctionnait ce régime, sa hiérarchie etc. C’est à la fois très instructif et très subtilement énoncé. On a l’impression que la jeune fille semble détachée de tout ça et en fait, bien au contraire, elle intériorise et progressivement se forge une vraie conscience politique et sociale au fur et à mesure que le récit avance.

L’album est partagé en trois partie. La première "20874" se concentre sur la période Berlin, les deux autres "Rat Line, première et deuxième partie" reprennent à partir du moment ou Dora et sa mère déménagent pour Bobigny. Le ton est relativement différent entre les deux périodes principales. D’une part on a Dora qui vaque à ses occupations, qui suit son trintrin habituel, qui murit à la fois au travers de son expérience professionnelle mais aussi au contact de Lotte. On la voit évoluer, être davantage concernée par ce qu’elle découvre au jour le jour. D’autre part elle emménage en cité, rencontre des jeunes communistes de son age. Elle garde son tempérament nonchalant, mais petit à petit elle s’implique, allant jusqu’à s’engager dans une traque de nazi. En parallèle, elle assume de plus en plus son ambiguïté sexuelle qu’elle a découverte en observant les ébats de Lotte, cachée dans un coin !

La grande force de Minaverry c’est cette incroyable finesse d’écriture alliée à un graphisme ultra précis, très épuré, qui donne la part belle aux expressions, aux petits détails. Il faut dire que l’auteur ne se perd pas dans des textes rébarbatifs et redondants, il se contente de l’essentiel, préférant la plupart du temps miser sur son graphisme, sur ses cadrages très audacieux et sur une mise en page extrêmement minutieuse, réglée au millimètre près. C’est éblouissant. Ainsi, il n’hésite pas à coincer Dora dans un coin de case pour faire respirer l’image, pour présenter un détail de décor, ou bien à régulièrement glisser des clichés très anecdotiques comme une bouteille sur un coin de table, des oiseaux posés sur une branche etc. Le tout insistant doucement sur une ambiance… Une vrai leçon de BD aux antipodes des codes habituellement en vigueur !

Il est juste à déplorer que ce volume (comme sa suite) n’ai pas donné lieu à davantage de communication de la part de l’éditeur, de bouche à oreille, car on a là un auteur exceptionnel qui mériterait vraiment d’être plus reconnu, d’être découvert avec plus d’enthousiasme !
En attendant, je refeuillète ce très bel album, je suis tombé sous le charme discret de cette jeune Dora et de son amie Lotte… Magnifiques !

Par FredGri, le 12 octobre 2013

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