Don Quichotte dans la Manche

Il était une fois, très loin de l’Espagne et de son climat, dans un petit village du département de la Manche, un homme, sans famille, vivant d’une petite retraite qui lui permet tout juste de manger, d’entretenir sa jument et de payer une voisine qui vient faire son ménage trois fois par semaine.
Ses premiers voisins sont loin et sa seule distraction est la lecture. Véritable boulimique de romans de chevalerie, il passe ses journées à lire, s’abreuvant, s’imbibant même, d’histoires magnifiques, de chevaliers, de tournois et de demoiselles en détresse.
Se détachant de plus en plus de la réalité, il va, à l’instar du fameux Don Quichotte de la Mancha, perdre pied, la cervelle troublée par tous ces récits, et partir sur les routes pour devenir chevalier errant, sauver des pucelles et affronter leurs geôliers.

Par olivier, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Don Quichotte dans la Manche

" Dans un village de la Manche dont je ne veux me rappeler le nom, vivait un homme….", les premiers mots de cet album de Denis Leroux et Stéphane Douay reprennent la première phrase du Don Quichotte de Cervantès.
Adaptation moderne de ce roman du tout début XVIIème siècle. Décalage géographique, décalage temporel mais le scénariste garde toute la trame et les mésaventures de ce pauvre héros, qu’il transpose dans une Normandie contemporaine.
A la lecture, on est plus surpris par l’accent des différents autochtones rencontrés par ce Don Quichotte, que par ses mésaventures elles-mêmes. Quatre siècles se sont écoulés depuis la première parution du roman, et à aucun moment nous n’avons, à la lecture, le sentiment d’improbabilité.
Cet homme, que l’on peut imaginer fragilisé par la vie et la solitude, qui se déclare chevalier errant, qui prend les auberges pour des châteaux et qui combat ces modernes moulins a vent que sont les pylônes électriques ne surprend pas.
En ce sens, Cervantès, très bien servi par nos deux auteurs, démontre l’intemporalité et l’universalité de la folie.
La narration et la construction très fluide donnent à ce road movie champêtre un rythme et une dynamique qui vont crescendo, la folie prenant de plus en plus d’ampleur.
Si Don Quichotte, personnage central de cet album, reste fidèle à l’original de Cervantès, il en va de même, du moins en esprit si ce n’est à la lettre, avec Sancho.
Dans le roman original, Sancho évolue, de paysan rustre et peu éduqué, il se transforme en gouverneur clairvoyant. Sous la plume de Denis Leroux, il devient une femme dont le rêve a été brisé, mariée à un paysan brutal, elle choisi de quitter la ferme pour suivre Don Quichotte, ou plutôt pour fuir sa vie.
Un dessin en noir et blanc qui rend formidablement bien l’errance de ces deux êtres maltraités par la vie. Stephane Douay insuffle une magie intemporelle à cette histoire et parvient, uniquement par la puissance de son trait évocateur, à rendre toute la folie qui souffle en tempête sous le crâne de Don Quichotte.
Les deux auteurs n’ont pas choisi une fin heureuse, pour Don Quichotte le drame est au bout du chemin. Seul Sancho va retrouver un espoir de vie meilleure, porte entrouverte sur une possibilité d’échapper à la misère sociale.

Une adaptation certainement très difficile, avec pour nous lecteurs un magnifique one shot où l’on hésite constamment entre le rire et la tristesse, un équilibre poignant, où le drame humain est exhaussé par quelques touches d’humour.

Par Olivier, le 17 juin 2009

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