Diagnostics

Fruit de la rencontre de Lucas Varela et Diego Agrimbau, deux auteurs Argentins, dans le cadre d’une résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême, "Diagnostics" regroupe six histoires courtes qui explorent les frontières du récit de genre suivant un fil conducteur très particulier : la représentation de troubles mentaux à travers l’exploration des codes du neuvième art… Les dérèglements sensoriels dont souffrent les six héroïnes se répercutent en parallèle sur les mécanismes de La bande dessinée eux même !

Par fredgri, le 8 novembre 2013

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Notre avis sur Diagnostics

Ainsi, grâce à ce jeu entre narration et expérimentation, Lucas Varela (qu’on a découvert avec son remarquable Paolo Pinocchio) et Diego Agrimbau (La Bulle de Bertold) se servent de la bande dessinée comme d’un laboratoire, tordant les codes, sortant les personnages du cadre de la case, triturant les bulles, les onomatopés, s’amusant avec les effets de vitesse, avec le son, le lettrage, nous balançant en plein polar, ou dans de la pure science-fiction… Les auteurs s’amusent et le lecteur aussi.

Ce qui est d’ailleurs passionnant dans cet album c’est justement l’intelligence de ces croisements d’univers, cette extension du récit au travers de la forme elle même, sans pour autant que cela ne gène la lecture, que cela soit hermétique. Il ne s’agit ici nullement d’expérimentations gratuites, vides de sens, bien au contraire, tout est extrêmement cohérent et très adroitement construit. Car mettre en parallèle la claustrophobie et l’espace de la case, c’est particulièrement fin, présenter une héroïne qui souffre de Synesthésie (trouble de la perception des sensations) en mettant en scènes les onomatopées qu’elle est la seule à percevoir, ou encore cette jeune femme dont les pensées se lisent au travers des affiches dans la rue, des textes publicitaires… Chaque récit met donc en scène une sensation troublée et un code propre à la BD, le tout avec beaucoup d’originalité. C’est passionnant, d’autant plus que l’expérience de cette lecture est des plus enrichissantes, elle nous fait prendre conscience de notre propre langage, de ce qui régit l’acte même de lire une planche et d’en assimiler toutes les bases intuitivement !

Mais les auteurs ne se contentent pas de simplement parler du fond et de la forme, ils nous racontent avant tout des histoires qui fonctionnent incroyablement bien, avec beaucoup de pertinence. Qu’il s’agisse de parler du malêtre, de la solitude, de cette nécessité de comprendre et se faire comprendre, ces jeunes femmes qui évoluent devant nous nous séduisent par leur simplicité fragile. Par contre, est-ce un choix judicieux d’avoir commencé par le récit le plus destabilisant de l’album ? Peut-être aurait-il été plus pertinent de commencer par la claustrophobie, par exemple. Du coup, l’éventuel lecteur risque d’être freiné par ce premier contact assez difficile !
Mais le gros tour de force reste encore la partie graphique qui est tout simplement éblouissante ! Lucas Varela change de style, explose le cadre de la page en jouant avec les ambiances, avec les références multiples, il nous force à être vigilent, à bien tout regarder… Comment ne pas tomber sous le charme de cette virtuosité flagrante ?

Un album qui sort très discrètement, malheureusement, mais qui pourtant mériterait franchement d’être découvert, dévoré et relu, encore et encore !
Attention, album indispensable !

Par FredGri, le 8 novembre 2013

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