DERNIÈRE OMBRE (LA)
Chapitre 1

Durant la Grande Guerre, sur le front russe, un groupe de soldats et de civils transporte à l’arrière de la ligne des combats des blessés. Diminués physiquement et moralement, l’ex capitaine Zvoga propose à son chef le lieutenant Kuliakov de se rabattre sur un manoir isolé situé non loin d’où ils se trouvent et ce, afin de permettre au médecin de soigner les blessés. Ayant obtenu l’accord de celui-ci, Zvoga atteint l’impressionnante demeure dans laquelle se sont retranchés des déserteurs allemands et russes. A la suite d’un feu nourri, ces derniers capitulent et Zvoga peut investir les locaux appartenant au baron et à la baronne Alexandrovich. Le docteur peut alors faire son office tout en confiant ses deux filles, Natalia et Irina, aux maîtres des lieux. C’est ainsi que, dans cette ambiance douloureuse où Zvoga n’hésite pas à tenir tête à son supérieur, que Natalia va découvrir qu’à l’étage au plus haut de la grande maison se terrent d’autres enfants qui cherchent à fuir l’ombre maléfique de la guerre.

Par phibes, le 6 avril 2021

Publicité

Toute la BD, que de la BD !

Notre avis sur DERNIÈRE OMBRE (LA) #1 – Chapitre 1

Après nous avoir fait voyagé dans un univers fantastique (Terra prohibita – T1), le talentueux scénariste Denis-Pierre Filippi revient dans des dispositions plus réalistes en nous transportant cette fois-ci dans les ambiances de la première guerre mondiale sur le front de l’Est. Pour ce faire, l’auteur se focalise sur les péripéties dramatiques vécues par une troupe de militaires et de civils en repli qui se doit de trouver refuge dans un manoir.

Sous le couvert d’un premier de couverture plutôt surprenant qui d’ailleurs donne envie de voir ce qu’il cache, l’on pourrait penser que le récit va s’engager sur un chemin hors du commun. Mais ce n’est que pure apparence et subtilité. En effet, tout en dévoilant les péripéties vécues par les militaires meurtris dans leur chair, Denis-Pierre Filippi trouve le moyen ici de dévoiler l’empreinte de la guerre et de ceux (soldats sur le front ou enfants à l’arrière des hostilités) qui la perçoivent, de façon fantasmée.

Ce premier album bénéficie de fait d’un intérêt conséquent. En effet, n’éludant certainement pas l’horreur de la guerre et utilisant des situations qui la caractérisent, le scénariste traduit avec justesse sa dimension lourde de conséquence, attachée à ce groupe de soldats marqués moralement en quête de soins et de repos. Il installe une couche de pesanteur supplémentaire via les tensions entre Zvoga (ex-officier indocile et plutôt novateur) et son chef (intransigeant) qui vont s’amplifier pour atteindre le pire. Dans cette atmosphère douloureuse, les enfants ont leur part de marché, apportant ainsi une touche d’innocence, d’imaginaire, d’apaisement, qui vient contrebalancer efficacement l’histoire.

Pour une première, l’on saluera haut les mains l’interprétation graphique de Gaspard Yvan. En effet, l’artiste qui œuvre à la fois sur le dessin et les couleurs nous en met plein la vue à la faveur d’un trait que l’on sent on ne peut plus mature et assurément profond. Le travail de recherche est visible tant les cadrages sont audacieux, les perspectives impressionnantes, les décors riches en détail. Les personnages que l’on retrouve facilement dans une netteté et une expressivité qui force le respect. Le tout servi dans une colorisation chaude malgré la thématique qui là-aussi fait sensation.

Un très bon premier chapitre d’un récit qui oppose judicieusement le monde cruel des adultes à l’imaginaire des enfants, réalisé par deux artistes qu’on espère revoir très bientôt.

Par Phibes, le 6 avril 2021

Publicité