Dérive orientale

 
Journalistes au Sunday Times, Simon et Aillil ont été envoyés à Istanbul avec pour mission d’en rapporter un reportage partisan qui prouverait qu’après avoir subi l’influence de l’islam, la cité turque s’était remise, en cette année 1937, sur les rails de l’occidentalisation et pouvait à nouveau prétendre être comparée aux très européennes Londres ou Paris…

Simon était préposé aux textes, et Aillil réalisait des dessins pour illustrer le reportage. Ils auraient pu former une équipe efficace, mais chacun d’entre eux a vécu son séjour très différemment, ce qui a rendu compliquée l’osmose qu’espérait d’eux leur rédaction.

Agacé autant que mal à l’aise dans cette orientale Istanbul dont il ne devait vanter que les côtés européens, Simon a tôt fait de ne plus vivre la ville qu’assis devant sa machine à écrire, avec pour seul paysage les phrases qu’il tapait ; dans le mensonge desquelles il s’enfermait. Aillil, quant à lui, s’est plus facilement laissé conquérir par la ville, par ses habitants, et par les ambiances qui y régnaient. Il a dès lors préféré n’obéir qu’à ses envies ; respecter le cahier des charges qui lui avait été imposé devenant tout sauf possible…
 

Par sylvestre, le 16 juin 2013

Notre avis sur Dérive orientale

 
Istanbul ne laisse sûrement pas indifférents ceux qui la visitent ou qui y vivent. Dans cette histoire dont ils sont les héros, Simon et Aillil en apportent la preuve, mais on pourra dire à raison de cette preuve qu’elle ne relève malgré tout que de la fiction. L’auteur Younn Locard en aura par contre apporté une autre, autrement plus tangible : il aurait réalisé les premières planches de cette bande dessinée pendant son tour du monde alors qu’il était à Kashgar, ville chinoise complètement différente d’Istanbul et qui aurait donc pu, tout autant que cette dernière, être forte source d’inspiration, voire devenir le décor de son récit !

En noir et blanc et dans un format original, cette bande dessinée cartonnée de l’auteur globe-trotter est forcément teintée de ressentis et d’expériences que l’artiste a pu vivre loin de chez lui. Cela dit, à travers ses deux héros montrant chacun une approche complètement différente du rapport à la découverte de l’ailleurs, Younn Locard choisit non pas d’embellir son aventure de papier à grands renforts des impressions convenues du voyageur émerveillé par ce qu’il découvre mais au contraire de critiquer le "parachuté à l’étranger" en lui donnant deux visages : ceux de Simon et d’Aillil. Le premier, étouffé par ce qui l’entoure, se refermera comme une huître, trouvera quelque chose à redire à tout et n’attendra plus que de retrouver son chez soi et ses rassurants repères. Le second, beaucoup plus perméable à la nouveauté, à l’exotisme et au changement, ira au contraire un peu trop tête baissée dans ce que lui proposera cet univers inconnu ; il s’éloignera ainsi de son objectif premier.

Avec Dérive orientale, c’est dans le mystère et dans la fascination qu’inspire la Istanbul des années (19)30, entre les fastes des salons fréquentés par la haute société locale et par de riches expatriés Occidentaux et la pauvreté d’une ville culturellement bicéphale, que nous invite Younn Locard ; loin des ambiances de sa précédente bande dessinée H27. Dans les fumées des narguilés et sous la chaleur d’un soleil propice aux mirages, laissez-vous entraîner vous aussi dans la magie de l’Istanbul de Simon et d’Aillil, entre oppressantes réalités et légèretés orientales…
 

Par Sylvestre, le 16 juin 2013

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