Les Déracinés

A Vienne, en 1935, Almah et Wilhelm sont tout juste mariés. Elle est dentiste et lui journaliste. Mais leur bonheur est de plus en plus contrarié par la montée du nazisme et la menace qui règne sur l’Autriche, d’autant qu’ils sont juifs.

Au fil des années, la situation s’aggrave. Après la Nuit de Cristal, ils décident de quitter leur pays, d’abord en transit en Suisse, avant de se voir proposer de rejoindre le projet de création d’un grand kibboutz en République Dominicaine, un des rares pays à proposer d’accueillir les juifs en exil. Ils décident de tenter l’aventure.

Par legoffe, le 3 février 2021

Publicité

Notre avis sur Les Déracinés

Pour sa première BD, Catherine Bardon adapte son… premier roman, paru en 2018. Il avait remporté un grand succès en librairie. L’auteure, amoureuse de la République Dominicaine, raconte un pan assez méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, l’aventure de juifs fuyant l’oppression dans les années 1930 et créant une colonie dans un coin perdu des Caraïbes.

C’est donc une aventure inspirée de faits réels, même si Catherine Bardon a voulu insuffler un souffle romanesque, mettant en scène à sa façon certains personnages clés. L’histoire est ainsi vue à travers le regard d’un jeune couple viennois qui décide de quitter le pays, comprenant que leur vie qui est en danger.

La première partie de l’album a donc pour cadre l’Europe, dans sa marche à la guerre et à l’antisémitisme. Si l’ambiance est pesante, le récit est largement et tristement connu.

Le contraste est ensuite saisissant lorsque nos exilés débarquent en République Dominicaine ! Exit les chemises brunes et la grisaille, place au vert des forêts tropicales et au bleu éclatant de la mer et du ciel des Caraïbes.
Le défi est grand pour les colons, mais il a lieu sans menaces existentielles. C’est un nouveau récit qui commence, celui d’un changement radical de vie. La plupart abandonnent leur métier d’origine pour le travail de la terre et des tâches manuelles.

C’est une histoire poignante, qui évoque l’arrachement à sa terre natale et la capacité à se relever dans un cadre totalement différent. C’est aussi une autre manière d’aborder la Shoah, la folie et la haine de sociétés capables de condamner à mort des gens pour leur croyance religieuse.
Le livre rappelle, par ailleurs, l’hypocrisie des grandes nations démocratiques qui n’eurent pas le courage de tendre la main à ces juifs en exil, démontrant qu’elles étaient, elles aussi, gangrénées par l’antisémitisme et la lâcheté, à une échelle – certes – moins dramatique qu’en Allemagne ou en Autriche.

Le scénario est bien écrit, même si l’approche est d’un grand classicisme. Et les dessins sont de qualité. Winoc s’inscrit dans le réalisme, mais avec un style qui tient du crayonné, donnant un rendu particulièrement agréable. Les jolies couleur de Bouët font le reste. Un album touchant et beau.

Par Legoffe, le 3 février 2021

Publicité