De l'autre côté

 
Hamza croyait en l’avenir de son pays et il s’était investi à fond lors des manifestations du printemps arabe pour détrôner Ben Ali. Et ça avait payé : le dictateur ne gouvernait plus, et la Tunisie avait depuis repris le chemin de la démocratie.

Malgré tout, malgré ses convictions d’hier, malgré les critiques et les mises en garde de ses proches, Hamza a pris une grande décision : comme d’autres avant lui, il allait traverser la mer Méditerranée et tenter sa chance en France.

La première étape de son voyage allait être terrible : rejoindre l’île de Lampedusa dans un bateau bondé de personnes comme lui. Suite à quoi, avec le continent comme objectif, Hamza se rendra compte que cette première épreuve était loin d’être la dernière…
 

Par sylvestre, le 25 septembre 2015

Notre avis sur De l’autre côté

 
Cette bande dessinée de Léopold Prudon est l’aboutissement d’un travail qu’il avait produit à la fin de ses études, à l’école Estienne, pour l’obtention de son diplôme. Dans un noir et blanc très appuyé, l’auteur traite un sujet qui est on ne peut plus d’actualité : les migrants, les réfugiés, et ces voyages qu’ils font parce qu’ils sont chez eux pauvres, désespérés, ou dans l’insécurité au point d’accepter de tout quitter du jour au lendemain même si, ils le savent, le risque est maximal.

Hamza le héros ne décédera pas pendant son périple. En cela, on pourra parler d’une certaine réussite de son entreprise. Mais illusion, remords, culpabilité et déconvenue seront au bout du chemin et feront finalement de ce récit un récit très noir, très pessimiste. Presque une mise en garde supplémentaire adressée à ces "candidats à la traversée", renforcée par certaines peurs de Hamza ; peurs matérialisées par ces monstres marins qu’il dit craindre plus que tout lorsqu’il les sait sous le bateau dans lequel il se trouve.

Ce voyage qu’on fait avec Hamza est éprouvant car il est physique et dur psychologiquement. L’esprit a mal, le corps a mal aussi. Et le récit devient intimiste car, au-delà de son petit côté reportage, avec ses chapitres dont les noms sonnent comme souffrance physique, il nous livre les faiblesses, les espoirs, les craintes, les victoires, le stress, les doutes d’un personnage duquel on est proche et qui devient pour nous l’ambassadeur de tellement d’autres. A l’arrivée, il y a la réalité d’une société qui n’est pas prête à accueillir les nouveaux venus comme lui, la réalité aussi d’un tissu économique qui en sauvera certains, qui en fera tomber d’autres en esclavage et qui surtout ignorera tous les autres.

Quelle situation compliquée ! Nous vivons une époque terrible où les richesses sont détenues par un nombre restreint de gens, une époque où la misère est parfois telle qu’elle voit partir sur les routes de l’inconnu des populations entières souhaitant accéder à cette richesse dont ils ont entendu parler ou qu’ils ont vue à la télé. Cette BD de Léopold Prudon nous interpelle parce que la France est, comme d’autres pays d’Europe, l’objectif d’exilés tels Hamza. Elle nous touche d’autant plus qu’on chemine main dans la main avec ce dernier et qu’alors, on a le point de vue d’un être humain en particulier (qui arrive chez nous) et non d’une "masse" d’individus à laquelle on ne saurait s’identifier, voire qui ferait peur à ceux qui oublient que s’ils étaient dans le même cas que ces migrants, ils feraient probablement pareil…

Une BD forte par son sujet, intéressante par la composition originale de certaines planches et portée par un dessin qui fait savamment contraster l’obscurité des nuits en mer sur un rafiot surchargé avec les lumières aveuglantes de notre superficielle société de consommation.
 

Par Sylvestre, le 25 septembre 2015

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