De l'autre côté de la frontière

En 1948, écrivain français de grand renom, François Combe a élu domicile dans la vallée de Santa-Cruz en Arizona. Là, en ce territoire désertique proche de la frontière mexicaine, il alimente son imagination pour la rédaction de ses romans noirs. Pour les besoins de son dernier écrit, il se trouve à Sonora, au bordel mexicain Cielito Lindo. Avec son assistante/maîtresse Kay, le romancier prend quelques clichés d’une des pensionnaires de l’établissement, la belle Raquel. C’est en redescendant au bar qu’il rencontre un de ses amis américains, Jed Peterson.
Après avoir partagé un petit moment autour d’un verre, ce dernier tombe en admiration devant la beauté de la jeune Raquel et l’invite à monter. Le lendemain, après une balade à cheval avec son fils, François Combe est convoqué au poste de police. Suite à la demande du shérif, le romancier se doit de narrer sa soirée de la veille au bordel.
C’est là que le policier lui apprend qu’après qu’il soit parti, Raquel, la fille avec laquelle il était en rapport, a été sauvagement assassinée. Cette situation embarrasse tout particulièrement son ami Peterson qui a été le dernier client de la victime. Qui plus est, lorsqu’est recensée un autre meurtre sauvage sur prostituée, Peterson voit, par manque d’alibi, l’étau se refermer sur lui. François Combe décide alors de mener son enquête en sollicitant les connaissances de Lita, sa gouvernante.

Par phibes, le 30 mars 2020

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Notre avis sur De l’autre côté de la frontière

Sur la base d’une trame classique qui n’est pas sans lorgner non seulement sur l’œuvre de Georges Simenon mais aussi sur sa période où ce dernier vivait aux Etats-Unis en 1947 dans l’Arizona, Jean-Luc Fromental et Philippe Berthet nous offrent une histoire complète à déguster tel un bon polar.

Pour ce faire, rien de plus normal que de se retrouver au cœur de la Santa Cruz Valley, non loin de la ville « partagée » de Nogales, où des meurtres sur prostituées ont été perpétrés. Ces derniers mettant en cause un de ses amis, Jed Peterson, l’écrivain François Combe mène sa propre enquête, en parallèle de celle de la police locale. A la faveur d’un premier assassinat, le récit nous plonge dans une ambiance plutôt sombre par le fait qu’elle brasse aisément le stupre, le sang et l’inégalité entre les peuples et la maintient avec habileté tout du long.

Superbement orchestrée, l’histoire policière qui met en première ligne un illustre écrivain mondial se veut portée par la narration intimiste d’une gouvernante d’origine mexicaine. Très proche de ce dernier, elle nous permet de temps à autre à nous faire saisir le climat très délicat dans lequel est immergé l’enquêteur, se divisant entre sa secrétaire qui est également sa maîtresse, sa famille qui part en lambeaux et son enquête qui gêne un tant soit peu la pègre et la police locales. Les ficèles du scénario sont remarquablement tirées, fluidifiant de fait une intrigue parfaitement équilibrée et bien prégnante.

Evidemment, le travail de Philippe Berthet se révèle un gros plus dans ce polar de l’année 1948. Conforme à cette limpidité artistique qui en a fait sa renommée, l’artiste nous en fait une restitution extraordinairement riche et convaincante. A cet égard, l’esthétisme de son trait nous permet une fois encore de voir des décors de rêve (ici les paysages arides de l’Arizona, les « ghost-town », les visions urbaines…), ciselés intelligemment en usant d’un ombrage bien léché. Ses personnages sont d’une réelle beauté, en particulier la gente féminine qu’il croque dans ses formes avec une véritable passion. Le tout se voit sublimé par une colorisation réalisée très adroitement par Dominique David.

Un polar sombre aux ambiances des années 50 signé par un tandem d’auteurs qui trouve ici le moyen de faire sensation. Un plaisir de lecture, bravo !

Par Phibes, le 30 mars 2020

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