Dans mon village, on mangeait des chats

A une certaine époque, la population de Saix mangeait du chat. Certes, à son insu, car Charon, le boucher du village qui vendait ses petits pâtés, taisait bien sa recette. Enfant du pays à la forte personnalité, il n’en était pas moins maire et pour le moins manipulateur. Aussi, le jour où il est mort, il a laissé un grand vide dans le village. Surtout qu’il avait donné l’occasion au petit Jacques Pujol de démarrer dans la vie en l’employant dans sa boucherie et ce, parce que ce dernier connaissait son sinistre secret alimentaire. A force de titiller le boucher avec des allusions bien ciblées, il avait été obligé de le suivre un soir dans son laboratoire isolé. Là, au milieu des ustensiles de cuisine, Charon avait pris la décision de couper court à toute association. Ce qui s’ensuivit marqua à tout jamais la destinée de Jacques qui, après une ultime correction de son père, se retrouva en institut spécialisé. Son chemin pour devenir criminel se traçait indubitablement à chaque étape.

Par phibes, le 24 juin 2020

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Notre avis sur Dans mon village, on mangeait des chats

La collection Grand Angle de chez Bamboo accueille dans son catalogue un nouveau récit signé Philippe Pelaez, scénariste en bande dessinée depuis 2015 on ne peut plus inspiré (on lui doit entre autres Un peu de tarte aux épinards, Parallèle/Alter, Puisqu’il faut des hommes…) et Francis Porcel, dessinateur généreux de Mentors, Chevalier Brayard, Les Folies Bergère…. Sous un titre pour le moins inquiétant et via un premier de couverture sombre qui ne l’est pas moins, cette histoire a le privilège de couper court à toute tergiversation quant à sa teneur volontairement dramatique.

En effet, dès les premières planches, le ton est donné. Sous le couvert d’une narration personnelle et d’un timing bien précis répétitif, l’on est appelé à découvrir le parcours d’un garçon (Jacques) dont la vie n’a pas été tendre avec lui et qui va le faire basculer du côté obscur de l’humanité. A partir de la découverte des malversations du boucher de son village et de la terrible endurance aux mauvais traitements qui le transforment peu à peu en criminel, le garçon nous fixe un rendez-vous avec sa destinée.

Autant dire que, grâce à la faveur d’une structure chronologique habile, le récit se meut subtilement dans une ambiance amère pour le moins délétère et particulièrement envoutante. Aspiré par son aura machiavélique, on sera surpris de découvrir la force de caractère du personnage principal, d’appréhender son côté manipulateur pour nuire à son prochain. A contrario, on demeurera attristé par son manque de bons repères au point de le plaindre sérieusement lorsqu’on arrive au rendez-vous qu’il s’est fixé.

Grâce à son trait semi-réaliste et sa mise en couleurs impeccable qui campe bien les époques, Francis Porcel a trouvé le juste équilibre pour animer l’évocation du parcours de Jacques. L’artiste nous offre un travail efficace, parfois violent, assurément dynamique, avec des personnages qui bénéficient d’une personnalité bien marquée et des décors particulièrement bien léchés.

Un one-shot amer et sans concession qui a toute sa place dans la collection Grand Angle.

Par Phibes, le 24 juin 2020

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