CROISADE
Becs de feu

En la cité fortifiée de Hierus Halem, il est une menace que le Mufti lui-même a pressentie. En effet, le sultan Ab’Dul Razim s’est enflammé pour la belle Syria D’Arkos, la princesse chrétienne, et aspire à un amour sans fin. Toutefois, la guerre inévitable arrivant à grands pas, portée par le représentant de la Chrétienté, le terrible Maître des machines, Ab’Dul Razim entrevoit le moyen de couper court à cette situation conflictuelle. Pour cela, il va devoir pénétrer le saint sépulcre et détruire le très vénéré X3. La croix et le croissant sont à nouveau réunis pour un ultime affrontement dont les aboutissants sanglants nécessiteront un partage. Mais lequel ?

Par phibes, le 25 novembre 2009

Notre avis sur CROISADE #4 – Becs de feu

Ce quatrième opus marque superbement la fin du premier cycle lié à "Croisade". Cet ouvrage est l’aboutissement de toute une expédition religieuse aux circonvolutions fantastiques voire démoniaques dont le but avoué est la reconquête du tombeau du Christ (Le saint sépulcre) retenu en la cité de Hierus Halem. C’est donc dans un déferlement de violence guerrière dispensée dans un vacarme assourdissant presque perceptible que vient se conclure une épopée où la victoire a inéluctablement le goût du sang.

Mais dans cette vision de destruction extrême que Jean Dufaux a su entretenir avec passion et presque avec poésie, émerge celle d’un amour presque interdit, d’une force considérable, non conventionnel entre une chrétienne et un Sarrazin (Syria d’Arcos et Ab’Dul Razim). Cette idylle qui aura pour conséquence d’assujettir le plus téméraire des soldats du croissant, fera planer des volutes d’abnégation et donnera lieu à des interrogations intimistes.

De même, on retrouvera celui qui s’est écarté de la croisade, du terrain de la guerre, Gauthier de Flandres, véritable électron libre qui semble mener sa propre quête spirituelle. Multipliant les rencontres fantastiques, il se voit, lui le représentant des fidèles croisés, le sauveur de tout un peuple juif et perdra, dans ses désillusions, ses propres racines.

Avec ce dernier opus, Jean Dufaux poursuit notre émerveillement quant à ses péripéties orientales, dans une fièvre scénaristique superbe et communicative. On ne peut que se délecter de sa croisade qui joue sur les contrastes à savoir qu’elle peut à la fois embaumer l’exotisme enchanteur et exhiber les pires horreurs. L’auteur émérite fait intervenir tous ses protagonistes en leur assignant des rôles précis, d’une force (démoniaque ou pas) incroyable. Ces derniers révèlent presque tous un pouvoir d’analyse de leurs situations avec une humilité confondante.

L’ambiance qui se dégage, repose sur une base historique indéniable mêlée à des évocations mythiques. Si Gauthier, Ab’Dul Razim, Syria d’Arcos peuvent se défendre d’avoir une apparence réaliste, d’autres comme le Qua’dj, le X3, le Mufti puisent leur existence dans des légendes orientales. Cette association que Jean Dufaux a su maîtriser est donc heureuse et donne au récit un équilibre qui peut à tout moment être rompu.

Il va de soi que le graphisme de Philippe Xavier est époustouflant. Accompagné par une colorisation sans faille de Jean-Jacques Chagnaud, il donne vie à un univers fait de sang et de sable d’une beauté exceptionnelle. On ne peut être que séduit par la force picturale qui se dégage de son travail qui laisse transparaître une mise en images des plus détaillées. Les personnages ont une présence qui crève les vignettes de par leur charisme. Entre autres, la monstruosité et l’orgueil sont portées par le Maître des machines par sa corpulence volumineuse et sa carapace protectrice, l’humilité et le discernement sont incarnés par Gauthier ou Ab’Dul Razim, la sensualité et la beauté par Syria d’Arcos. Par ailleurs, les scènes de bataille sont extraordinaires (il suffit de l’apprécier dans les deux doubles pages), d’une vérité criante prouvant que ce dessinateur possède un potentiel formidable dans l’art de restituer des scènes complexes.

Une fin de cycle toute en beauté qui clôt une quadrilogie historico-fantastique à lire et à relire sans retenue pour en savourer toute sa consistance poétique et qui ouvre les portes à une suite intitulée "Flandres". Admirable !

Par Phibes, le 25 novembre 2009

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