Le crépuscule des idiots

Le vieux macaque Fukuto surprend deux de ses jeunes congénères en train de prier Diou sur un pan neigeux de Jigokudani. Irrité par ce qu’il voit, il ne peut s’empêcher de les corriger à coups de bâton, ce qui, évidemment, fait réagir leur mère devant une telle intolérance. Aussi, se fait-il un devoir d’expliquer son geste qui a un rapport avec l’histoire du singe Nitchii. C’était il y a bien longtemps, au temps où Nitchii subissait avec nombreux de ses pairs la dictature du singe blanc Taro qui ne supportait pas que l’on discute sa loi et que l’on lorgne sur sa dulcinée Hisayo. Malheureusement, à la suite d’une visite inappropriée à cette dernière, Nitchii se retrouve banni du clan. C’est dans son errance qu’il est témoin de la chute d’une capsule spatiale, de laquelle il extirpe un singe rhésus. S’apercevant rapidement qu’il a affaire à un clan d’autochtones niais et crédules, il leur fait part de sa mission prophétique et leur inculque le culte de Diou. A force de palabres mystérieuses, il se voit vite glorifier par le clan de Taro, au grand dam de ce dernier. La foi commence alors à gagner le cœur de toute la communauté macaque et c’est à ce moment-là que Niitchii réapparaît. Pour avoir sauvé le prophète, il est bientôt consacré en tant que premier serviteur de Diou.

Par phibes, le 10 octobre 2016

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Notre avis sur Le crépuscule des idiots

Jean-Paul Krassinsky, auteur pour le moins éclectique, nous livre ici un ouvrage qui a la particularité d’avoir été murement réfléchi depuis l’année 2005. Assurément inspiré par la religion en général, l’artiste s’est employé à en disserter d’une manière très incisive. C’est donc sous le couvert d’un titre tronqué qui se veut faire référence à celui de l’ouvrage de Nietzsche (le crépuscule des idoles) – qui lui-même se rapporte caustiquement à celui du drame musical de Richard Wagner (Le crépuscule des dieux) qu’il nous plonge dans une histoire animalière aux consonances très acidifiante.

Par ce roman graphique qui se veut un petit bijou satirique, Jean-Paul Krassinsky a souhaité tordre le coup aux fausses croyances, thématique moderne qui fait tourner le monde et qui possède malheureusement le pouvoir de diviser plutôt que de « relier » les communautés entre elles. Afin de ne pas traiter le sujet d’une façon trop directe et trop offensante, l’auteur a préféré, à l’instar de La Fontaine, prendre de la distance en utilisant des animaux proches de l’homme, tels les macaques japonais de Jigokudani (ancien sujets d’expériences des vols spatiaux).

Décriant avec humour et cynisme la crédulité avec un C majuscule, Jean-Paul Krassinsky nous ouvre des perspectives indubitablement cocasses, s’amusant à instaurer ce culte de Diou via des invocations certes tirées des préceptes religieux mais habilement mélangées pour perdre les détracteurs éventuels. Il démontre également la fourberie de ceux qui, grâce au verbe, profitent de cette puissance que le culte leur donne et ce qu’elle induit sur les autres et sur eux-mêmes. Le tout vers une finalité qui se veut ô combien subtile et surprenante.

Au niveau du dessin, l’artiste a opté pour un travail somme toute épuré et pour le moins incisif. La nervosité de son trait rehaussé par une colorisation directe superbe donne une puissance évocatrice qui n’est nullement pour déplaire. Les singeries en tout genre des macaques (indéniablement proches de celles de l’homme) se révèlent pleinement convaincantes et nous assurent d’un message clair à la fois hilarant et impitoyable.

Un divertissement piquant de 300 pages qui conforte le talent de son créateur et qui suscite bien des réflexions. Nom de Diou !

Par Phibes, le 10 octobre 2016

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