Centre de rétention administrative

 
Il y a des centres de rétention administrative (C.R.A.) tristement célèbres, et celui de l’île de Lampedusa est sans doute le centre dont on parle le plus souvent, ces derniers temps. Mais il en existe d’autres plus près de chez nous, où des gens "échouent" aussi, mais pas exactement pour les mêmes raisons que les boat-people venus d’Afrique tenter leur chance en Europe… Il y en a un à Cornebarrieu, par exemple. Près de Toulouse.

C’est aux portes de ce C.R.A. de Cornebarrieu qu’en 2012, l’auteur Meybeck a participé à une campagne dont l’objectif était de lever le voile sur les conditions de rétention des "pensionnaires" de ces centres. Et c’est suite à cette expérience militante qu’il a décidé de réaliser cette bande dessinée et de raconter en images des histoires qu’il a récoltées auprès de membres d’associations et d’organisations impliquées dans cette lutte "pour savoir et pour témoigner".
 

Par sylvestre, le 21 septembre 2014

Notre avis sur Centre de rétention administrative

 
Ce n’est pas tant le fait que ces C.R.A. existent qui pose problème, car il y a sûrement une bonne explication à leur existence : sans doute sont-ils un outil dont les autorités ont eu besoin à un moment pour faire face à certaines situations… Non, le problème, c’est l’opacité qui règne sur ces lieux, le fait qu’on ne sache jamais vraiment qui y est, pourquoi il y est, dans quelles conditions il y a été "admis" et dans quelles conditions il y séjourne…

Lire les différentes séquences que propose cette bande dessinée met mal à l’aise. On est bien conscient que ça se passe chez nous, tous les jours, mais ça a le don parfois de nous rappeler de mauvais souvenirs ! Les pensionnaires des C.R.A. ont en effet parfois été arrêtés chez eux alors qu’ils étaient en famille. Imaginez le traumatisme ! Ou en pleine rue… Parce qu’ils n’avaient pas ou plus de papiers. Ou parce qu’ils avaient un faciès "qui ne revenait pas" à des policiers motivés (ou intéressés) pour faire "du chiffre"… Ces "prélèvements" et autres reconduites à la frontière faits au hasard pour délit de sale gueule nous font penser aux rafles opérées par les nazis ou en U.R.S.S. sous le règne de Staline ! Brrrr… Ces familles séparées, ces destins brisés, ces vies mises entre parenthèses… Quelle injustice !

Avec des coups de crayon différents, l’auteur Meybeck nous relate en noir et blanc plusieurs expériences vécues par des gens qui sont passés dans un C.R.A. et nous dresse furtivement aussi, au passage, le portrait-minute d’illustres inconnus : des volontaires, des militants, qui s’émeuvent du sort réservé à ces prisonniers d’un genre spécial et qui se battent pour leur dignité et pour leurs droits en essayant par exemple de leur rendre visite au parloir. Son style changeant d’une histoire à l’autre permet non seulement de faire graphiquement la coupure entre deux histoires, il renforce en outre le côté pluriel des témoignages en leur apportant une ambiance un peu différente à chacun.

CRA – entre de rétention administrative en devient une espèce de petit catalogue de situations ubuesques et est en cela non seulement un témoignage intéressant mais rare, aussi. Et pour cela… précieux. Quand l’Homme devient une feuille morte que le vent de l’administration carcérale ballotte, les germes de l’incompréhension, de la révolte ou de la haine ne sont pas loin. Et ça craint, comme qui dirait. Car ce n’est pas aux States dans une série policière… C’est chez nous, aujourd’hui, tous les jours.
 

Par Sylvestre, le 21 septembre 2014

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