Malik Oussekine

Le 6 décembre 1986, à Paris. Le projet de réforme universitaire du ministre délégué Alain Devaquet enflamme les étudiants qui organisent très rapidement de vastes manifestations. On envoie les forces de police pour tenter de maîtriser les choses, mais ces dernières font du zèle et une tragique bavure policière entraîne la mort d’un jeune étudiant de 22 ans qui passait par là, sans même réellement participer aux manifestations, Malik Oussekine. Ce tragique évènement va rapidement prendre des proportions qui vont révéler les lacunes et les débordements d’un système gouvernemental déjà en rupture avec le peuple !

Par fredgri, le 13 mars 2016

Notre avis sur Malik Oussekine

On se souvient de cette année, 1986, de ce projet Devaquet qui pousse les étudiants à manifester dès le 25 novembre. Très vite, on parle de violents affrontements avec la police qui font des dizaines de blessés, qui marquent les esprits. Mais l’évènement marquant reste encore à ce jour cette tragique mort, le 6 décembre 1986… On est à Paris, la manifestation se termine dans le calme, malgré tout, un groupe d’étudiants tente d’élever une barricade dans le 6e arrondissement. Dans la foulée, pour nettoyer les rues à la recherche des derniers "casseurs", une équipe de « Voltigeurs » est envoyée sur place. Ce sont des policiers montés à deux sur une moto tout-terrain, l’un conduit, l’autre est armé d’une matraque. Ils repèrent un jeune étudiant qui passe par là, le poursuivent et le bloquent dans l’entrée d’un immeuble pour le matraquer à mort… Il s’appelle Malik Oussekine et très vite la nouvelle circule, avec photo de journaliste à l’appui.

Le gouvernement et les médias tentent bien de présenter les évènements sous un jour moins dramatique, allant jusqu’à dresser le portrait d’un jeune étudiant radicalisé, mais la vérité se révèle rapidement moins aseptisée !
Non seulement le texte de loi sera abandonné, mais les "Voltigeurs" seront dissous et Devaquet démissionnera…

Aujourd’hui, 30 ans se sont passés. J. F. Bollée se demande ce que serait devenu ce jeune homme trop tôt disparu, devenu le symbole des bavures policière !
Avec Jeanne Puchol, ils reviennent sur les quelques heures qui entourèrent cette fameuse soirée, sur les destins qui se croisent, les premières émotions, les plus immédiates. Ils ne tentent absolument pas de contextualiser, d’expliquer les choses, juste de témoigner de l’ambiance générale et des premiers réflexes de l’état et de la police pour enterrer l’affaire !

C’est peut-être ce qui manque le plus dans cet album, une annexe pour recadrer les choses, expliquer la proposition de Devaquet, les réactions des étudiants etc. Toutefois, l’écriture de Bollée est complètement tournée vers les émotions et cette façon d’entrelacer les pistes narratives, de mélanger les points de vue est vraiment très habile. Car le lecteur prend ainsi toutes les sensations en même temps, on reconstitue les évènements au fil des heures qui se déroulent, on découvre les diverses réactions et les tentatives pour noyer le poisson… C’est très subtil et très finement écrit !

En parallèle, le dessin de Puchol, un magnifique noir et blanc très contrasté, nous offre une exceptionnelle fenêtre très expressive sur les uns et les autres. Chaque personnage est très distinctement identifié et l’illustratrice joue beaucoup sur les regards, sur la lumière, sur les petits gestes des uns et des autres ! Un travail remarquable !

Nous n’en sauront pas forcément davantage sur les conséquences et sur ce qui a amené à cette soirée du 6 décembre, mais cet album nous aide avec beaucoup de justesse à bien comprendre la peine qui toucha la France en cette fin 1986…

Par FredGri, le 13 mars 2016

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