COMPAGNONS DU CRÉPUSCULE (LES) (ED. DELCOURT)
Les dernier chant des Malaterre

Le chevalier, La Mariotte et l’Anicet arrivent donc à Montroy, une ville qui appartient à Dame Neyrelle, sœur de Carmine épouse de la Torneirie, et de Blanche la défunte aimée du chevalier. En venant rendre visite à Neyrelle, ce dernier compte rendre hommage à cette famille maudite… En effet, il circule depuis longtemps une légende au sujet des trois sirènes que sont sensées représenter les trois sœurs… Mais progressivement, nos trois "compagnons" se rendent compte qu’il se prépare des jours néfastes, que Neyrelle aime à manipuler les uns et les autres…

Par fredgri, le 20 juin 2015

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Notre avis sur COMPAGNONS DU CRÉPUSCULE (LES) (ED. DELCOURT) #3 – Les dernier chant des Malaterre

Pour conclure son magnifique triptyque, François Bourgeon nous propose un volumineux troisième tome fascinant et d’une sublime virtuosité !
Car, avec cet album il conclue toutes les pistes distillées jusque là, revenant sur le passé du chevalier, sur cet amour sacrifiée au nom d’une guerre sans pitié, la mystérieuse Blanche !
Le récit est en deux grandes parties. D’une part "Montroy la ville" qui voit l’arrivée des héros en ville, la rencontre avec une troupe d’acteurs itinérants et le mystère qui entoure des massacres de femmes… Ensuite "Castel Montroy" qui amène le chevalier et ses amis à être reçus dans le château pour y rencontrer Neyrelle. Nous découvrons alors les manigances qui se montent contre les uns et les autres, comment Carmine est plus ou moins retenues prisonnière "amicalement" en attendant le retour de son mari, comment Neyrelle aime à orchestrer un plan méticuleusement préparé…

L’issue est des plus incroyables et démontre parfaitement cette volonté qu’a l’auteur de s’affranchir des canevas classiques pour proposer une série hors du commun.
"Les compagnons du crépuscule" forment avant tout un seul et véritable roman graphique, une geste médiévale en trois étapes qui lient l’historique, le réalisme pour nous entraîner régulièrement vers l’imaginaire avec une délicieuse touche fantastique. Mais là ou les deux précédents volumes aimaient tirer vers la digression narrative, ce troisième opus revient vers un cadre historique très ancré dans la réalité avec une attention portée sur les détails, sur les us et coutumes du Moyen Age.

Le chiffre "Trois" hante définitivement cet album, qu’il s’agisse des trois compagnons, des trois sœurs et de leur légende : le destin de trois héritières des Malaterre qu’on raconte être les filles de sirène, enviées pour leurs terres et leur héritage… Bourgeon nous entraîne dans une histoire complexe, mais passionnante qui nous ouvre de multiples pistes de lecture. On peut suivre la Mariotte et ses amours, on peut s’intéresser à Carmine ou cette histoire de passages secrets sous le château, le tout baignant dans une reconstitution extrêmement précise et finement documentée, rajoutant un filtre envoutant d’authenticité. On devine aisément la quantité incroyable de documents que l’auteur à du compulser au vue des plans de la ville, des objets divers qui parsèment les planches, les costumes, les architectures etc. C’est très impressionnant ! On comprend bien pourquoi ce volume a remporté l’Alph’Art du public à Angouleme en 1991 !

Mais au delà de cette claque graphique Bourgeon explore jusqu’au bout ses précédentes pistes. Il n’épargne absolument personne, si ce n’est la Mariotte qui traverse cette série depuis le début avec une sorte de nonchalance fraîche, devenant bien malgré elle l’héroïne principale. "Malgré elle" car à aucun moment elle n’affiche une quelconque volonté de le devenir, elle n’accomplit rien de particulier, elle ne pense guère qu’à elle et traverse l’histoire sans aucunement l’influencer. Cependant, elle correspond parfaitement à cette rupture des conventions dans laquelle s’est engagé Bourgeon. Car elle est le reflet de cette époque, elle insuffle régulièrement la sensualité débordante qui l’anime, elle amène le récit à glisser d’une étape à l’autre, elle sert souvent de lien entre les pistes narratives et observe le "grand récit" de l’extérieur. Elle est cette fille ordinaire, bonne vivante, qui révèle les us et coutumes du moment, qui garde le lecteur sur un plan plus humain, moins engourdit dans les affaires des gens d’en haut !
Et Bourgeon fait, en ce qui la concerne, un superbe travail, à aucun moment il ne tente de la glorifier, de la transcender, il ne l’épargne qu’assez modérément. Du coup, on découvre le scénario une étape après l’autre, sentant monter la tension tandis que la belle rousse arrive à se glisser deçi delà sans s’en accommoder !

Encore une fois cette série complètement atypique est un vrai régal. Car elle propose une bande dessinée résolument engagée dans une voix d’auteur, qui ne fait aucune concession, qui n’hésite pas à, par exemple, faire parler ses personnages en vieux français, à être cru, violent, qui peut tordre l’image de ses personnages si le récit l’exige !

Un vrai chef d’œuvre hautement recommandé !

Par FredGri, le 20 juin 2015

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