La Colline aux Mille Croix

Au milieu du XIXe siècle, un historien – Louis Huret – se penche sur l’histoire de Rocmirail, au cœur de la campagne du Rouergue. C’est ainsi qu’il entend parler de la légende de Luce de Mirail.

Le drame de cette femme commence vers 1572, en ces temps troublés par les conflits entre catholiques et protestants. La Réforme est passée par là. A Rocmirail, il y a deux vicomtes, l’un Mirail, l’autre Dalmayrac, son cousin. Le premier est devenu protestant quand le second est resté catholique. Mais la proximité des deux châteaux contraint les deux hommes à la tolérance.

Mais les massacres atteignent bientôt leur paroxysme. Geoffroy Dalmayrac périt sur le bûcher. Sa fille Luce fuit avec son frère Galéon. A 13 ans, elle est contrainte au mariage avec Abélard de Mirail. Ainsi, les Mirail parviennent à s’approprier le château des Dalmayrac.

Le jour des vingt ans de Luce, son frère revient à Rocmirail pour revendiquer le château familial. Il dispose de documents officiels l’y autorisant. Mais son beau-frère s’y oppose et les deux hommes règlent la question à l’épée. Galéon est tué sur le coup, mais le mari de Luce finit lui aussi par mourir de ses blessures.

Pour Luce, le monde s’effondre. Mais elle ne pleure pas son époux. Son chagrin va d’abord à son frère, à qui les Mirail ont refusé une sépulture décente, laissant le cadavre pourrir sur la grand place. Luce entre alors en farouche opposition face à sa belle famille. Les Mirail ne pardonnent pas à la jeune femme son attitude. Ils l’enferment alors dans une tour du château.

Par legoffe, le 1 janvier 2001

Notre avis sur La Colline aux Mille Croix

Christian Perrissin est avant tout connu pour ses talents de scénariste. Il a notamment signé l’excellent Martha Jane Cannary chez le même éditeur. Cette fois, il est autant au scénario (avec Déborah Renault) qu’au dessin. Et il s’avère être une vraie révélation. Son travail au crayon gras est tout simplement splendide. Son talent donne une grande force au récit, appuyant la dureté de ce pays et renforçant la noirceur des propos, en ces temps sombres pour le royaume de France. Les paysages et les hommes y gagnent en caractère, en profondeur.

Quant au récit, il revisite le mythe d’Antigone, laissant loin la Grèce pour mieux plonger dans le contexte des guerres de religion au cœur de l’actuel Aveyron. La toile de fond est donc assez réaliste. Il convient toutefois de préciser que, malgré les apparences, Luce de Mirail n’a jamais existé et qu’elle est le fruit de l’imagination de Perrissin. Pourtant, le lecteur ne peut qu’y croire. Les quelques mots d’introduction, la référence à un historien, la description toujours précise des lieux, autant d’éléments qui confèrent au livre un aspect quasi documentaire qui bernera plus d’un lecteur. Ce choix, et l’utilisation marquée du noir, donnent à la mort une véritable omniprésence. Le contexte pèse sur les personnages autant que sur le lecteur.

Ce parti pris donne d’ailleurs à l’ouvrage une certaine froideur et un recul parfois trop prononcé vis-à-vis des personnages. Autant j’ai immédiatement tourné l’ensemble des pages de cet album pour en admirer les dessins, autant j’ai parfois eu du mal à entrer dans le récit. C’est dommage car la thématique est vraiment intéressante. Le combat de cette femme face aux rigueurs sociales et religieuses, face à l’intolérance, face à l’absence d’amour, permet d’aborder des sujets salutaires et très actuels. Sauront-ils pour autant vous toucher totalement dans ce contexte ? Un très bel ouvrage, mais qui laissera sans doute sur le carreau une parti des lecteurs, tant il est complexe à appréhender.

Par Legoffe, le 14 juin 2009

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