CLIVAGES
Lignes de front

Juliana Brovic est médecin, elle vit avec son mari et ses deux filles quelque part en Europe. Depuis quelques temps, la tension entre les troupes légitimistes du gouvernements et les armées rebelle des Patriotes déborde avec des massacres perpétués deçi delà, bloquant les accès aux villages voisins, amplifiant une situation très tendue. Juliana sait que son village soutient les Patriotes, et c’est pour ça qu’elle n’est pas vraiment surprise de voir débarquer un matin les chars des légitimistes qui décident de s’installer dans la vieille école pour protéger les lieux.
Bien évidemment, la situation dégénère quand les rebelles attaquent et blessent grièvement le commandant des troupes.
Juliana a bien du mal à maintenir le fragile équilibre entre habitants et troupes légitimistes dans sa petite ville, tout en essayant de préserver sa propre famille !

Par fredgri, le 2 décembre 2018

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2 avis sur CLIVAGES #1 – Lignes de front

On savait Sylvain Runberg très concerné par l’actualité, par les dérapages qui peuvent s’y étaler, et cette nouvelle série en est le parfait exemple.
Il dépeint non seulement deux camps qui se font la guerre, mais de façon plus subtile les incompréhensions et les amalgames qui peuvent s’y glisser ! Car, finalement, qu’importe l’origine du conflit, qu’importe l’identité de ce pays et les revendications des uns et des autres, pour la population, au jour le jour, ce qui compte ce sont les conséquences de cette violence qui frappe et qui se répercute sur tout le monde ensuite. Les deux camps ne s’intéressent visiblement pas aux dégâts qu’ils causent, ce qu’ils voient ce sont les dommages collatéraux, chacun persuadé de se propre légitimité !

Runberg pointe donc du doigt ce mépris des combattants (quand bien même il peut y avoir un sens, une raison), mais aussi la complexité de la situation avec ces habitants pris entre deux feux qui doivent composer au fur et à mesure.
Toutefois, on sent aussi que dans ce premier volume le scénariste met les choses en place, il installe les personnages, les rapports de force et les bases de ce qui va suivre, avec une tension qui augmente soudainement dans les dernières pages. De plus, je dois bien dire que les caractéristiques sont vraiment finement aménées, elles montrent bien que d’une part la frontière entre les deux camps est très fine, mais qu’en plus il ne s’agit plus du bien contre le mal.

Et c’est d’autant plus intelligent de mettre une femme médecin au centre du récit, car, de par sa fonction, elle est confrontée directement aux répercussions de ce conflit d’une extrême violence sur une population innocente, sans forcément avoir les moyens de la contrer (comme dans la scène avec le jeune garçon qui saute sur une mine anti-personnel…). Étant aussi mère elle est aussi le prisme de toutes les émotions que la situation provoque, le regard extérieur… ! Un très beau portrait d’héroïne forte et volontaire !

Un premier volume qui commence donc très fort, avec une multitude de sensations qui vont certainement aller en s’amplifiant, par la suite !

Très recommandé !

Par FredGri, le 2 décembre 2018

Le pays était ravagé par la guerre civile mais le village avait jusque-là été épargné.
Jusqu’au jour où des blindés sont arrivés en nombre et où des militaires ont imposé leur présence et ont commencé à dicter leur loi. "Pour le bien de tous", disaient-ils. Tout en sachant qu’au village, on était plutôt partisan des autres…

Dès le premier jour de cette "occupation", le petit Denis est mort après avoir posé le pied sur une mine antipersonnelle. Chacune des deux armées belligérantes accusait l’autre, mais personne ne saurait jamais la vérité : dans cette sale guerre, les deux camps avaient manifestement recours à des méthodes absolument contraires aux lois de la guerre.

Pour certains, il fallait agir et des hommes du village ont élaboré une première action de résistance. Or, l’attentat qu’ils ont commis a eu lieu pendant la projection d’un film qu’avait organisé le club cinéphile : une projection qui avait reçu l’autorisation de l’occupant du bout des lèvres parce qu’elle dérogeait exceptionnellement au couvre-feu tout juste mis en place, une projection que les occupants ont vite fait de qualifier d’opération de diversion menée pour faciliter l’attaque des résistants.

Juliana, médecin sur le secteur, fait partie du conseil municipal. Après avoir dû se résigner à l’installation de ces militaires dans son village, elle devait en plus, ce jour-là, apprendre que son mari, le père de ses deux enfants, allait être exécuté tout simplement parce que c’est lui qui s’occupait du club cinéma…

Dans cette histoire qui se passe dans un pays européen indéterminé mais qui, par le climat qui y règne, fait penser notamment aux Balkans ou au Donbass, Sylvain Runberg et Joan Urquell proposent leur Au pays du sang et du miel. Du jour au lendemain, les villageois se voient imposer une menaçante présence militaire et doivent apprendre à vivre en marchant sur des oeufs, à ménager la chèvre et le chou, à "faire semblant" ; à l’instar de Juliana, médecin, qui est à la fois un personnage privé et public, une professionnelle potentiellement appelée à intervenir pour les deux camps, une actrice et une victime. Une femme qui, comme tous ses concitoyens, doit subir une guerre qui n’est pas la sienne.

Le dessin de Joan Urgell est de très bonne qualité, on reprochera peut-être quand même ce choix qui a été fait d’avoir donné aux occupants des visages très caricaturaux de "méchants". Dans un récit où l’horreur est également incidieuse, ce détail a son petit côté parti-pris alors même que dans la guerre qui secoue le pays dans cette fiction, il est susurré que les deux armées "se valent"…

Cette terrible histoire est fort bien menée. La tension monte très vite et l’engrenage des problèmes se dessine au fur et à mesure. Les victimes sont des petites gens sans histoire : des "vous et moi" sur qui ça tombe. Nous renvoyant dans les ambiances des années noires à Vukovar, à Sarajevo, à Srebrenica, à Donetsk… Entre autres.

On préfère quand c’est de la fiction. Malheureusement, c’est inspiré par la réalité…
 

Par Sylvestre, le 31 décembre 2018

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