Trop plein d'écumes

Dans un futur plus ou moins proche, ou la civilisation s’est complètement réfugiée dans la débauche et le chaos, les femmes sont réduites à l’état de simples objets sexuels, dont chacun peut abuser au quotidien sans qu’il n’y ai à redire. Mais progressivement, la sublime Chloé et sa meilleure amie Sarah s’insurgent contre cet ordre établi qui ne leur laisse aucun libre arbitre sur leur vie, élevée depuis le début à n’être que de simple corps prêts à être souillés des dizaines de fois par jour…
Quand l’ancien maître de Chloé, surnommé Spinoza, évoque devant elle les temps anciens ou les femmes pouvaient se faire payer pour donner du plaisir aux hommes, la jeune beauté y voit une issue, une piste pour sortir de son quotidien sauvage et barbare…

Par fredgri, le 11 novembre 2018

Notre avis sur Trop plein d’écumes

Après le fantastique volume de Nagarya, Dynamite nous propose ce nouvel album regroupant toutes les planches mettant en scène la sulfureuse Chloé. Le tout avec le lettrage initial du maître, scanné directement à partir de ses originaux !

Autant le dire tout de suite, ce chef d’œuvre de l’érotisme fantastique a de quoi, néanmoins, désarçonner le lecteur. Ne serait-ce que par son propos très audacieux, qui explore le thème de la place de la femme dans une société machiste, perçue comme un simple objet sexuel, disponible à tout les outrages sans n’avoir le moindre mot à dire. Mais aussi par sa mise en scène très morcelée, qui nous balance d’une scène à l’autre sans forcément être expliqué ! Puis le graphisme expressionniste de Riverstone qui alterne des scènes langoureuses et hautement sexuelles, avec des moments de pure violence, très démonstratives.

Un incroyable album sans concession, ou l’artiste est libre de ses choix et ou il faut s’immerger sans plus attendre. Une vraie expérience, un voyage déstabilisant mais fascinant !

Chloé est donc une héroïne qui, sous des dehors extrêmement séduisants, veut se révolter contre ces règles qu’on lui impose et ne plus être considérée comme un objet à la disposition de tous.
Toutefois Riverstone brouille légèrement les cartes en accentuant l’aspect hypersexualisé du récit, en exagérant les poses que prend la belle, la transparence d’un voile ou les occasions de dévoiler son corps en entrebâillant ses vêtements. Voulant ainsi signifier que la belle rousse s’adresse peut-être bien aux lecteurs eux même qui la regardent, envieux, au fil des pages… Elle même devenant ainsi une héroïne de papier qui s’insurge contre ce monde absurde dans lequel son créateur lui impose de multiples sévices sans lui donner l’occasion de s’en émanciper !

Et c’est en ça que je trouve cet album passionnant, cette mise en abime en substance, peut-être inconsciente, qui interroge sur le regard que l’on porte sur ce genre d’héroïne extrêmement sexualisée, mais pas seulement, sur les femmes désirables en général !
En inversant le concept, en accentuant son côté absurde et outrancier, Riverstone nous met face à la matière même du fantasme et son aspect le plus dérangeant !
Chloé veut exister par elle-même, faire ses choix et se dire que si elle doit subir cette violence masculine, autant faire en sorte d’en établir quelques règles, de s’en sortir moins bassement avilie… Chloé veut être une femme libre dans les limites de ce que la société lui permet. Mais tout est aussi emprunt d’un certain cynisme, car est-il seulement possible qu’elle puisse y arriver ?

En contre partie, l’artiste expérimente une narration, comme je le précise plus haut, très fragmentée. On saute d’une scène de torture à une scène de discussion tranquille à la maison, et cette structure rajoute une sorte d’hermétisme qui ne facilite pas la lecture et qui parfois peut même troubler le propos. Toutefois, on sent bien aussi que ce "cut up" renforce la tension, l’ambiguïté de cette atmosphère oppressante complètement transformée par les courbes des femmes qui, sous le trait et le pinceau de l’artiste, font presque figure de divinités descendues de l’Olympe.
La femme Riverstone est une "créature" transcendée, aux formes qui dépassent toutes mesure, elle n’est déjà plus réellement humaine, véritable réceptacle de tout les désirs qu’elles peuvent provoquer. Chacun de leur pas est un appel au regard, à l’envie, au sexe et c’est pour cette raison que Chloé, à un moment donné, se pose la question si elle ne devrait pas s’auto-mutiler pour se libérer de ce corps qui provoque tant de réactions !!!

Vous l’avez compris, "Chloé, trop plein d’écumes" est un album réellement très intéressant, qui démontre d’une part combien Peter Riverston reste encore un auteur important, même s’il est malheureusement trop méconnu, mais ensuite que le genre a encore beaucoup de choses à dire, quand bien même il s’agit de scènes au contenu fortement pornographique.
Dynamite fait ici un incroyable travail éditorial, espérons qu’il y aura encore d’autres albums de Riverstone, comme ses récits bibliques, son Alice inachevée et tant d’autres… Croisons les doigts !

Vivement recommandé, mais à ne pas mettre entre toutes les mains ! Attention !

Par FredGri, le 11 novembre 2018

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