Le chenal

Le narrateur se souvient, lorsqu’il était jeune, de ce pêcheur que l’on appelait "l’autre", qui souffrait d’un cancer en phase terminale. Il est ému par la combativité de cet homme qui continue coute que coute d’aller en mer, et bien qu’au rythme de la maladie la nature se rebiffe, il tient bon, tandis que se dessinent sur la côté, le long du chenal, les reflets fantastiques de ce cancer dévastateur et incontrôlable, sous forme de créatures préhistoriques, surgit d’un autre âge… !

Par fredgri, le 11 novembre 2017

Notre avis sur Le chenal

Ce "Chenal", de Thierry Boulanger, nous propose une véritable expérience de lecture. Une expérience qui peut être à bien des égards assez déstabilisante d’ailleurs.
Car il faut en accepter les règles, le style, il faut apprendre à patienter pour se laisser lentement charmer.

A l’exemple de ces conversations de vieux baroudeurs que l’on écoute sans rien dire, les textes de Thierry Boulanger sont bourrés de digressions, d’une multitude de métaphores, de "comparaisons figuratives" comme on dit. Ainsi, au détour d’une phrase on devine les habitudes quotidiennes des gens du pays, on voit surgir des bribes de souvenirs, du passé, une petite anecdote sur untel, les rumeurs sur telle autre. L’auteur nous raconte certes l’histoire de ce pêcheur, mais il parle surtout de son pays et de ses habitants.
Le Chenal c’est une âme qui vibre au rythme des vagues, des pépiements des mouettes, les gens se connaissent tous, ils surveillent les nuages ou les mouvements de la mer, les hommes partent la nuit, les enfants s’aventurent sur les berges en se cachant, en imaginant d’étranges créatures et les femmes attendent sur le perron…

Et c’est certainement là ou il y a un effort de lecture à faire. Accepter ce décalage entre les mots et les images, comprendre que tout prendra finalement un sens.

J’ai été, je l’avoue, assez déconcerté par cette double narration. Je me suis demandé pourquoi Boulanger n’évoquait pas vraiment ce qu’on voyait dans les planches, si ce n’est sous l’angle réaliste et très terre à terre. Puis j’ai compris que ces créatures que l’on voyait n’étaient elles même que des métaphores sensées représenter ce cancer qui déforme petit à petit la réalité, qui envahit l’espace. C’est d’autant plus étrange que les textes sont, encore une fois, très digressifs, très évocateurs, plutôt que véritablement descriptifs ! D’où le décalage entre certaines scènes très impressionnantes ou un "monstre" marin attaque des bateaux, tandis que les textes nous décrivent le souvenir d’une vieille voisine ou d’un verre posé sur le coin d’une table…
Et même si je trouve le procédé intéressant, j’ai eu le sentiment, à la lecture, qu’il y avait un soucis de cohésion d’ensemble entre le rythme nonchalant des mots, la tension presque palpable de certains moments et l’approche assez contemplative du reste de l’album.

Toutefois, Thierry Boulanger nous livre aussi un album magnifique, avec des ambiances colorées (mises en couleur d’Olivier Romac) qui nous interpellent.

L’album est beau, il ne laisse absolument pas indifférent… Tentez votre chance !

Par FredGri, le 11 novembre 2017

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