Ceux qui me restent

Lors des évènements de 1968, Florent est tombé sous le charme de Jenny, une belle anglaise venue faire ses études à Paris. Délaissant ses camarades et leur révolution, le jeune homme part pour l’Angleterre afin d’y retrouver sa belle. Sans la prévenir, il se présente à elle et tente de lui déclarer sa flamme. Prenant les devants, Jenny impose ses conditions que Florent accepte tout de go. Cinq ans plus tard, Jenny est décédée, abandonnant à leur triste sort et son compagnon et la jeune Aurélie (Lilie), leur petite fille. Assumant tant bien que mal cette perte cruelle, Florent se doit de soutenir sa fille mais pour cela, il sait qu’il faudra du temps. Pour le retour en France, ils prennent le ferry et tournent le dos définitivement aux côtes anglaises. Si Florent essaye de modérer sa tristesse, Lilie est préoccupée par son coca qu’elle vient de tomber et qu’elle voudrait remplacer. Elle demande alors avec insistance à son père la permission d’aller l’acheter toute seule. Lui faisant confiance, Florent laisse sa fille s’éloigner, le temps de fumer une cigarette et de réfléchir à leur situation. Au bout d’un tout petit moment, Lilie n’a pas réapparu. Inquiet, il court à sa recherche. Où se trouve-t-elle ? Pourquoi ne la trouve-t-il pas ? Enfin, une petite fille de cinq ans sur un bateau, ça se remarque, non ? A moins que sa mémoire lui joue un tour et que ce qu’il recherche n’existe plus !

Par phibes, le 24 septembre 2014

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Notre avis sur Ceux qui me restent

Nouvelle pépite de la collection Grand Angle de chez Bamboo, ce roman graphique qui vient au niveau émotionnel rejoindre, entre autres, dans le même concept éditorial, Une nuit à Rome, Où sont passés les grands jours ?, Une vie à écrire…, nous propose un voyage dans les méandres de la mémoire déformée par la maladie d’Alzheimer. Pour cette occasion, Damien Marie, qui se veut à l’origine d’histoires souvent sombres et amères comme Dans mes veines, La cuisine du diable, Wounded… vient s’épancher dans un registre certes aussi dramatique mais plus profond.

A cet égard, le scénariste trouve la juste tonalité, à la fois mélancolique et un tantinet taiseuse, qui permet de nous introduire dans l’intimité troublée de Florent. Jouant sur les époques qui permettent au passage d’avoir une vision explicite du passé et du présent du protagoniste principal, Damien Marie introduit son fil conducteur reposant sur sa relation avec Lilie, sa fille, qu’il ne reconnaît pas et qu’il recherche désespérément. Il va de soi que l’artiste, de par l’agencement de son histoire, se plait à titiller nos convictions, – et c’est là la force cet album-, de façon à partir dans une succession de situations dont beaucoup bouleversantes, à priori réelles mais qui, à la longue, au bout d’1/3 du récit, s’avèrent sorties d’un esprit en pleine confusion.

Force est de constater que ce one-shot volumineux de quelques 158 pages se parcourt avec une gravité certaine. Le trouble permanent que l’on y perçoit se veut des plus marquants, (à l’image des effets imparables de la maladie), jouissant d’une intensité qui ne peut laisser de marbre. Florent et Lilie sont véritablement convaincants, chacun dans un rôle volontairement ambigu que Damien Marie a su entretenir avec une maîtrise jusqu’à la fin de son récit.

Après son travail graphique assez original de sa trilogie Metropolitan, Laurent Bonneau profite de cet album pour se remettre une fois de plus en question et libérer son trait de son carcan encré. Tout en s’appuyant sur de larges aplats colorés informatiquement ou tout en s’attachant à faire ressortir des points bien précis récurrents (par exemple le ciret jaune de Lilie), l’artiste a pris le parti d’utiliser un crayonné parfois assez gras et souvent délié qui donne une certaine apesanteur et également une certaine sensation de délitement. Cette forme picturale moderne donne un style très particulier à l’ouvrage, loin des poncifs habituels, et octroie une force évocatrice rapide pour le moins concluante.

Un voyage en Alzheimer émotionnellement confondant qui se raccroche malheureusement à la triste réalité de la maladie.

Par Phibes, le 24 septembre 2014

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