Celui qui n'existait plus

Norman Jones, 40 ans, marié, deux enfants, directeur adjoint d’une société, une maitresse, semble avoir réussi sa vie et pourtant, est-ce ce que l’on appelle couramment la crise de la quarantaine, il s’interroge sur la sens de sa vie. Norman a le sentiment d’être passé à côté de quelque chose, d’avoir une vie ennuyeuse, sans relief.
Norman s’emmerde.

Par olivier, le 1 mars 2014

Notre avis sur Celui qui n’existait plus

Décidément, le 11 septembre après avoir inspiré cinéma et littérature, coté grand spectacle, est utilisé comme toile de fond, prétexte, à des récits beaucoup plus intimistes. Les attentats ont engendré une émotion mondiale, mais surtout une infinité de drames individuels.
Pour Norman Jones, ce jour-là aurait dû être le dernier, mais une partie qui se prolonge au lit avec sa maitresse, un gros retard et tout bascule.

Lorsque le boing 747 de l’American Airlines percute le World Trade Center, il est censé être dans son bureau. 2750 victimes, dont beaucoup ne sont pas identifiables, alors Norman envoie tout balader, jette son portable, son portefeuille et décide de disparaitre, officiellement mort dans l’attentat.
Réaction très égoïste de sa part, mais il étouffe dans sa vie personnelle, professionnelle, avec l’impression que l’argent est le seul moteur qui conditionne les rapports que les autres entretiennent avec lui.

La liberté qu’il décide de prendre est celle d’un gamin, joyeuse et futile sans plus de contraintes que celles qu’il pourrait se créer. Norman prend la route, auto-stop sous une pluie battante, première étape Arkheim, la ville où il a grandi.
Mais Norman est un fantôme, il ne peut pas s’arrêter, se faire reconnaitre de sa vieille tante, de Linda, son amour de jeunesse, alors il taille la route, direction le Pacifique. Les quelques dollars qu’il avait en poche s’épuisent vite, alors des petits boulots, la démerde, la nuit dans la rue et les rencontres qui l’emmènent chaque jour un peu plus loin de son ancienne vie.

Celui qui n’existait plus est un road-movie plein d’émotion, écrit avec sensibilité et réalisme. Une histoire tragique et sombre avec ses moments de joie et de petits plaisirs, mais surtout une histoire de regards sur l’autre, de compassion et d’humanité.
Entre les derniers des salopards qui viennent le tabasser, juste pour le plaisir sadique et barbare de faire sa fête à un SDF et les quelques samaritains qu’il croise sur la route 66, Norman grandit enfin.
Le terme est à la mode, ne le boudons pas, c’est un magnifique roman graphique, d’un noir et blanc délavé que Georges Van Linthout pose au fil des planches, usant des ombres avec légèreté, juste ce qu’il faut pour donner du relief à cette échappée.

Rodolphe et Van Linthout au travers de Norman portent un regard délicat sur notre société et en extraient une histoire douce-amère avec ce quelque chose de poignant qui fait que l’on ne referme pas l’album comme on l’a ouvert. Il traine une rémanence étrange, un sentiment confus, mélange de tristesse et de compréhension, un peu comme si l’on venait de quitter quelqu’un de proche.

Par Olivier, le 1 mars 2014

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