CAREME
Intégrale

De mon ami Aimé Carême, je garde les bons moments, et Dieu sait s’ils furent nombreux. Cette histoire d’amitié a commencé par un soir de tempête de neige, sur une route de montagne. La chaussée était glissante et je n’y voyais guère. J’étais bien en peine, avec ma fourgonnette emplie d’aspirateurs. Vendeur ambulant, ce n’était déjà pas facile, alors par ce temps. Mais la tempête me conduisit à une auberge. L’ambiance y était étrange. Il y régnait un certain malaise. Tous les regards étaient tournés vers un homme au corps énorme. Il était, malgré lui, le centre de tous les intérêts.

La serveuse eut la mauvaise idée de me mettre en face de lui. Je ne savais que faire pour éviter d’entamer la conversation avec ce gros bonhomme. Je m’attendais à voir sortir de sa bouche à tout instant un désagréable gargouillis. Mais, lorsqu’il s’adressa à la serveuse, j’entendis une voix délicate et les mots d’un homme sensible et éduqué. J’entamais alors la conversation avec lui. Imaginais-je alors à cet instant que je venais de trouver mon ami le plus cher ?

Il ne faisait aucun doute que c’était le début d’une aventure nouvelle. C’en serait fini bientôt des aspirateurs grâce aux hasards du destin. Si seulement tout ça pouvait aussi venir à bout de mes allergies. J’étais allergique à peu près à tout et notamment aux endives. Je devais d’ailleurs bien être le seul homme sur terre à éternuer lorsque je mangeais des endives…

Par legoffe, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur CAREME # – Intégrale

Il n’est pas utile de présenter Christophe Bec. La célébrité du scénariste français n’est plus à démontrer grâce à ses nombreuses séries à succès et son talent pour les thrillers fantastiques. Mais il serait dommage – en revanche – de le limiter à ce genre en particulier. Bec est un conteur talentueux qui sait marcher sur d’autres sentiers de la bande dessinée. Connaissez-vous, par exemple, Carême ? Il révèle un pan méconnu du talent de Bec.

Carême, c’est avant tout une histoire sur l’amitié et la vie en général. Le fantastique, lui, n’est là qu’en aparté. Il donne un style, un accent à l’aventure, qu’il s’agisse des visions terribles que peut avoir Aimé à certains moments, ou les quelques récits d’aventures dont les deux amis se nourrissent au fil de leurs rencontres avec différents personnages. Le fantastique, c’est aussi le décor : des villes, des villages, des routes ou des trains qui sont inspirés de différentes époques du XIXe et du XXe siècle, comme si les auteurs avaient choisi les symboles technologiques les plus emblématiques de chaque période.

Mais, pour le reste, c’est bien une histoire de gens presque ordinaires, qui tentent simplement de s’en sortir dans un monde qui ne leur a pas toujours fait de cadeaux. Chacun pourra retrouver là des souvenirs de ses propres brimades, parce que l’on a parfois le malheur d’être différent des autres.
L’amitié, la solidarité, semblent pouvoir changer bien des choses comme veulent le rappeler Bec et Mottura. Cela ne nous étonne pas, bien sûr, c’est même évident. Mais il est parfois salvateur de se le rappeler car les évidences finissent par se fondre dans le quotidien sans que l’on y ait prêté attention.

Ce livre est aussi un joli hommage à la créativité artistique. Aimé est peintre et son ami Martinien Fidèle, le narrateur, va passer du monde des aspirateurs à celui d’éditeur d’illustrés. Plus qu’un simple clin d’œil au monde de la BD, c’est une esquisse d’un univers dévorant, qui peut connaître les plus hauts sommets avant de redevenir fragile comme au premier jour. La mode, le choix des auteurs, les médias… Chacun joue un rôle dans ce mélodrame qui se répète continuellement.

La sortie, cet été, de l’intégrale de cette histoire (en format moyen et couverture souple), parue à l’origine en trois albums, est l’occasion d’avoir dans votre bibliothèque une jolie histoire, très humaine, servie par les splendides graphismes de Mottura, le tout pour la très modique somme de 9,90 euros, soit moins cher qu’un seul des albums de la série ! De quoi plonger dans cette histoire d’amitié sans se poser de questions même si, quand on aime, on ne compte pas, c’est bien connu.

Par Legoffe, le 12 juillet 2009

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