Bandonéon

Buenos Aires..
Horacio est un jeune garçon issu de l’émigration italienne de 1916. Très doué pour le piano, il n’en est pas moins fasciné par les musiciens de tango et leur univers musical et culturel. Son père, résistant antifasciste, est souvent absent et sa mère, issue d’une bonne famille, guette de près son éducation et voit d’un mauvais œil l’influence qu’exerce le bandonéoniste "Gordo" (Vicente de son prénom) sur son fils. Puis le petit garçon grandit et la fascination qu’il éprouvait pour le tango est peu à peu effacée par celle du pouvoir et de l’argent, corrompu et lentement perverti par de sordides fréquentations. Jusqu’au jour où il prend conscience de l’ampleur de la "trahison" mais il est alors malheureusement trop tard…

Par melville, le 13 mars 2010

Notre avis sur Bandonéon

Ces derniers temps les musiques populaires (dans le sens le plus noble du terme, c’est-à-dire qui appartiennent au peuple) et engagées sont à l’honneur en bande dessinée. Après le flamenco dans Mauvais garçons de Benjamin Flao et Christophe Dabitch et le rébétiko dans Rébétiko de David Prudhomme, c’est désormais au tour du tango argentin d’être mis en avant par Jorge Gonzales avec Bandonéon.

Bandonéon est une œuvre complexe. Complexe car transmettre une partie de la culture argentine en une bonne centaine de pages n’est pas forcement un exercice facile et complexe de par le parti pris de son auteur de nous livrer un récit au déroulement elliptique. J’avoue avoir été parfois un peu perdu dans le temps et les lieux et ne pas forcement avoir compris toutes les références à la culture argentine et au tango, un peu comme si Bandonéon s’adressait à un public aguerri…
Le scénario est très riche, trop même peut-être pour le nombre de pages. L’histoire principale est celle d’Horacio, jeune prodige au piano qui voue, malgré le mécontentent que cela procure à sa mère, une véritable fascination pour le tango et ces interprètes, pour cette musique populaire qui crie la misère des bas-fonds mais aussi la passion dont font preuve les gens qui y vivent comme moyen de résistance. Et pourtant toute la première partie de l’histoire se concentre sur le destin tragique de Vicente, dit "Gordo" (Le gros en français). Vicente est bandonéoniste et c’est lui qui nourrit l’attirance du jeune Horacio pour le tango. On s’attache à ce personnage d’une profonde tendresse et puis tout à coup plus rien, on l’abandonne à sa funeste errance… Etape, certes, certainement nécessaire et chargée d’une grande symbolique notamment au moment où il lègue son bandonéon à Horacio, mais qui créée tout de même un sentiment de frustration, comme si tout cela s’était passé trop vite, comme si on en avait pas apprit suffisamment ; un sentiment qui continu et se propage tout au long du récit. Le jeune homme grandit et en même temps qu’il oubli l’instrument symbolique dans un coin il se tourne de plus en plus vers la haute bourgeoisie corrompue par le pouvoir et l’argent et s’adonnant à de sordides distractions. Mais l’entrée au sein de cette "élite" ne se fera pas sans renier tout ce qui fonde l’essence même du tango au point de pousser le vice jusqu’à la trahison… Jusqu’au jour où le bandonéon refait surface et avec lui les regrets et l’amertume liée la sensation d’une vie gâchée. Et encore une fois resurgit ce sentiment de frustration pour les mêmes raisons invoquées pour la première partie de l’histoire. Et ce qui est quelque part d’autant plus agaçant, c’est que cette frustration ne naît pas parce que le scénario est trop superficiel mais bien parce que les personnages ont une vraie profondeur et qu’on a le sentiment qu’elle n’est pas suffisamment exploitée.
Mais pour autant Bandonéon est une bande dessinée qui touche et qui nous accompagne un petit temps après sa lecture et ceci grâce au dessin. Jorge Gonzales fait preuve ici d’un très grand talent de mise en scène. Des planches découpées en cases mais où le dessin occupe quasiment – voir même totalement – la page comme si la musique, la vie, la fougue ne pouvaient être contenues dans un cadre restreint, qui s’opposent à des planches avec une bordure de page et des séparations entre les cases plus importantes marquant la froideur d’une vie monotone… Le trait de Jorge Gonzales au crayonné important et appuyé est rehaussé par des couleurs allant des gammes de marrons à des gris pastels traduisant avec élégance et justesse les atmosphères du moment.

Bandonéon est donc un roman graphique peut-être un peu abrupte mais qui ne laisse tout de même pas indifférent. Maintenant c’est à vous de voir car on ne ressent pas tous les mêmes choses à la lecture, personnellement et cela malgré les quelques bémols émis je ne regrette en rien sa lecture.

On notera également que l’album comprend un carnet de croquis dans lequel l’auteur revient sur son travail tout en se livrant, ce qui donne rétrospectivement quelques clés pour mieux appréhender ce roman graphique. Et une chose peu courante, il existe une bande originale composée par le bandonéoniste Marcel Mercadante tout spécialement pour Bandonéon et disponible en téléchargement (gratuit) sur la fiche de l’album du site de Dupuis.

Par melville, le 13 mars 2010

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