Planches à la première personne

Journal intime de l’auteur, Les Aventures est un recueil de trois livres déjà parus outre-Atlantique "Quelques Pelures", "le Moral des Troupes" et "le Roi-Cafard". Originaire de Québec, Jimmy Beaulieu évoque son déménagement à Montréal, la grande ville déshumanisée, multiculturelle et… moche. Côtoyant assidûment la gente féminine, il devient une épaule réconfortante, un ami, un confident mais sans réussir à "conclure" une relation amoureuse. Il raconte ici sa frustration puis, à mesure que la trentaine s’approche, s’établit et s’écoule, son propos évolue sur le Québec, la politique et l’art de la BD.

Par geoffrey, le 27 avril 2015

Notre avis sur Planches à la première personne

Dans Les Aventures, Jimmy Beaulieu met 15 ans de sa vie à nu. Il dessine en 350 pages sa trajectoire d’homme et d’artiste.

Son récit commence dans les années 1998-2001. Dans la vingtaine, l’amoureux des femmes ne parvient pas les amener dans son lit. Afin d’extérioriser ses fantasmes, l’éternel romantique se réfugie dans la BD qui, elle, lui permet de coucher les courbes sensuelles sur le papier. Il dessine avec volupté et sensibilité les femmes, ses amies, ses égéries dont le lecteur au cœur d’artichaut, tout comme lui, en devient instantanément amoureux. L’auteur raconte ainsi ses tentatives de séduction, ses frustrations et la misère sexuelle qui l’accable à l’ère pré-pornographique, dans laquelle se reconnaîtront nombre trentenaires et quadras.

A mi-parcours, tout en décortiquant le cercle amical et familial au scalpel de ses sentiments, l’auteur change d’échelle. Il recule d’un pas et l’exploration intérieure glisse ainsi, dans les 2ème et 3ème parties du recueil, vers la chronique sociale et sociétale.

Ce n’est pas sans conséquence. Le ton change, les thèmes deviennent plus politiques et davantage intellectuels, et les anecdotes de vie plus… anecdotiques. Dans les cases, le texte empiète sur le dessin aux dépends de ce dernier. Le récit perd son côté léger et plaisant et s’enfonce de manière plus didactique l’histoire et les particularismes du Québec. L’auteur s’adresse clairement au lecteur "français de France".

Ses récits sont heureusement courts et invitent le lecteur à découvrir la ville de Montréal. L’ambiance première a néanmoins disparu et les histoires se lisent de manière moins détendue à mesure que l’homme explore le macroscopique, construit son opinion politique, regarde d’où il vient (l’île d’Orléans, près de la ville de Québec) et tente de se projeter. Il questionne la société québécoise, décrit les courants qui la traversent, la montée du libéralisme ainsi que les ambigüités d’une histoire prise entre l’influence états-unienne et les lointaines racines françaises. De ce point de vue, l’auteur se révèle un observateur attachant de son temps et de son pays.

L’artiste, lui, continue à expérimenter sur le fond et la forme. Aux côtés de son un trait tout en courbes (féminines), la couleur fait une timide apparition, parfois lourde, parfois bancale. Un certain désenchantement effleure, comme si le doute concernant son œuvre, son talent et l’art de la BD finissait par l’envahir tout entier et le submerger. Presque. A l’image du Roi-Cafard (une indication de ses futurs travaux ?), la bouffonnerie et l’autodérision triomphent toujours à la fin.

Si l’auteur commence le recueil seul et le finit seul – étrange constante avec le fond musical qui tisse le lien entre toutes les époques -, Les Aventures nous montrent le parcours personnel d’un auteur amoureux des femmes, amoureux de sa patrie, amoureux de l’art et de la BD. A travers ce travail autobiographique, Jimmy Beaulieu mérite donc bien un titre, sans doute celui de "bédéiste amoureux".

Par Geoffrey, le 27 avril 2015

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