Aung San Suu Kyi, Rohingya et extrémistes bouddhistes

Fascinés par la Birmanie, Frédéric Debomy et Benoît Guillaume sont de retour à Rangoun. Tout en se dirigeant vers le lieu de leur rendez-vous, les deux reporters passent devant un portrait géant d’Aung San Suu Kyi, responsable du gouvernement birman depuis avril 2016, qui les fait réagir. En effet, cette dernière, membre du LND et opposante à l’ancienne dictature de la junte militaire, prix Nobel de la paix en 1991 et partisane pour le retour à la démocratie, s’est vue depuis son accession à son poste de Conseillère pour l’Etat critiquée mondialement par son manque de réaction vis-à-vis de la terrible épuration ethnique perpétrée par l’armée sur les musulmans rohingya. Cette « mollesse » politique en a surpris plus d’un à commencer par Moe Thway, co-créateur de Generation Wave, groupe militant pour les valeurs humaines, qui déplore le fait que beaucoup de birmans ont adopté le principe que l’intérêt national prime sur l’homme. A l’instar des Rohingya, d’autres minorités musulmanes font l’objet d’oppression poussée par des moines extrémistes. Se transportant en la ville de Meiktila, Frédéric Debomy et Benoît Guillaume s’allouent les services d’un journaliste local qui leur permet de rencontrer une famille ayant subi cette oppression radicale. L’enquête qui s’ensuit associée à d’autres rencontres va les éclairer sur la façon dont les droits humains birmans sont bafoués.

Par phibes, le 24 juin 2020

Notre avis sur Aung San Suu Kyi, Rohingya et extrémistes bouddhistes

Frédéric Debomy, ancien militant d’Info Brimanie, et Benoît Guillaume sont deux journalistes qui ont la particularité de bien connaître la Birmanie. Après avoir publié en bandes dessinées leur documentaire en deux tomes intitulé Birmanie, les deux artistes se retrouvent pour remettre sur le tapis leur pays de prédilection et ce qui actuellement le grève en profondeur.

Force est de constater que les auteurs nous livrent ici un documentaire illustré fortement intéressant qui a le privilège de nous sensibiliser à un drame qui malheureusement perdure aujourd’hui. Le drame en question est la violation des droits de l’homme caractérisée par la persécution de minorités (musulmanes, chrétiennes…) et le radicalisme de communautés bouddhistes. C’est donc sous la forme d’une enquête journalistique réalisée par les co-auteurs eux-mêmes sur le terrain on ne peut plus riche en rencontres, en interviews, en témoignages que le sujet est développé.

Au fil des pages, Frédéric Debomy et Benoît Guillaume nous font découvrir leur vision du drame, en explicitant avec verve et moult explications comment est conjuguée la démocratie dans un pays anciennement militaire où l’intérêt de ce dernier passe avant l’humain, où la violence touche parfois mortellement les plus faibles, où la religion (bouddhiste) ou quelques représentants nationalistes de celle-ci peuvent s’avérer favorables à la discrimination. Et le plus grave, est de constater que tout ceci se déroule sous le couvert de responsables gouvernementaux apathiques (y compris l’ancien Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi verrouillée par l’armée). Le message qui en découle se veut donc engagé, fort et horriblement attristant.

Côté graphique, Benoît Guillaume reste dans une trame picturale plutôt épurée, colorisée via une palette constituée essentiellement de rouge, de jaune, de bleu et de noir. Ce dessin de reportage est efficace par sa simplicité et l’essentiel transpire à chaque vignette.

Un très bon documentaire qui se veut pleinement didactique porté par deux auteurs qui, par ce format, souhaitent sensibiliser le plus grand nombre.

Par Phibes, le 24 juin 2020

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