Au pays des mollahs

 
Un navire américain mouillait dans le détroit d’Ormuz, au large de l’Iran, quand il a été approché par des embarcations iraniennes qui lui ont tourné autour en même temps qu’elles lui lançaient par radio des menaces d’attentat suicide.

L’un des Iraniens, en contact avec les siens restés à terre, s’est rendu compte qu’ils évoluaient dans une zone truffée de mines flottantes ! Les embarcations ont donc quitté les lieux et se sont enfin éloignées du bâtiment américain, mais l’une d’elles a sauté sur une mine dont l’explosion a projeté le dénommé Hadji en mer où il a été laissé pour mort par ses compagnons.

La mer a dû avoir pitié de Hadji et les vagues l’ont craché sur le rivage d’une île presque déserte : une île sur laquelle un écrivain était venu chercher le silence pour trouver l’inspiration. Silence brisé par les paroles du miraculé qui a entamé la conversation avec son hôte, abordant de nombreux thèmes sur lesquels il semblait qu’ils ne soient pas exactement en phase, des thèmes de la vie quotidienne dans l’Iran des Mollahs comme par exemple le mariage, les prisons, la politique, la liberté d’expression ou les droits de la femme… Bref, des thèmes mettant en lumière certaines absurdités et la part d’inhumanité de la politique de Téhéran…
 

Par sylvestre, le 15 janvier 2012

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Notre avis sur Au pays des mollahs

 
Pour porter à la connaissance du grand public les choses qu’il dénonce dans Au pays des mollahs, l’auteur iranien Hamid Reza Vassaf a choisi la bande dessinée. Cet ouvrage est le premier qu’il publie en France : il y est arrivé en 2006 après avoir quitté son pays où de précédents livres qu’il a écrits sont interdits.

C’est entre réalisme et fiction qu’il a réalisé cette BD, mais le propos y est profond, sincère et amer : la rencontre entre Hadji et Sohaile n’est en effet qu’une invention de scénariste pour permettre un dialogue entre eux d’où vont alors sortir les informations qu’on va lire et recevoir les unes après les autres. Cela dit, si Hadji et Sohaile sont des personnages fictifs, ils ont toutefois été largement inspirés par des personnages réels, tout comme beaucoup d’autres qu’on va croiser dans cette histoire. Seuls les grands noms de la politique ou de la mythologie sont eux clairement désignés.

L’hypothèse de départ est sympathique, voire fantaisiste : cette rencontre est en effet assez utopique entre Hadji et Sohaile. On la verrait plutôt dans un conte. Mais ce qui est plus sympathique encore, c’est quand Hadji va apprendre, à la télé, aux côtés de son sauveur, qu’il est… considéré comme mort ! Héroïque martyr…

A ce stade, Hadji le "gardien de la Révolution" pourrait en quelques sortes devenir un homme nouveau, se défaire des doutes qu’il a eus toute sa vie pour enfin être honnête avec lui-même. Pour changer de combat. Hadji sait en effet les conditions dans lesquelles il a été éjecté de son petit bateau. Il sait donc le décalage entre son "comportement héroïque" (sa bêtise et celle de ses coéquipiers, en vérité !) et la valeur donnée à son martyre par le discours qui annonce sa mort à la télévision. En cela, il a la preuve que propagande il y a.

Il a lui-même observé en Iran l’hypocrisie de ceux qui gouvernent, politiques et religieux, et les différents exemples qu’il donne à son interlocuteur sont intéressants. Il y a le cinéaste Mohsen, un pur et dur, un toutou des mollahs qui, à force d’étudier l’art qu’il voulait mettre au service de la religion, va faire tomber ses œillères et comprendre qu’il faisait fausse route. Il y a aussi cette belle et triste histoire d’amour que Hadji a vécue dans une prison. Et Hadji de parler de malaises dans les familles, aussi, en parlant de lui quand il était écolier ou de lui lorsqu’il s’est marié…

Les "Big Brothers" religieux lui ont pourri la vie à force de propagande, d’auto-persuasion. Ils l’ont privé de sa liberté, comme ils ont privé tous les Iraniens de certaines de leurs libertés élémentaires…

Avec son dessin en noir et blanc très "impact", dans un style empruntant à l’affiche officielle autant qu’au tag populaire, Hamid Reza Vassaf nous raconte l’Iran des Mollahs en nous en listant des travers. Cette bande dessinée s’avère être un complément essentiel aux bandes dessinées Persepolis (L’Association) ou Zahra’s paradise (Casterman) ; une bande dessinée pour comprendre encore mieux notre monde, une bande dessinée engagée, un outil d’opposition à découvrir aux éditions Même pas mal.
 

Par Sylvestre, le 15 janvier 2012

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