Sur la mer des mensonges

Après trois années passées à Paris, Anaïs Nin s’est établie à Louveciennes. Mariée à Hugo banquier de son état, elle joue tendrement les épouses parfaites tout en se livrant à sa passion, l’écriture. Se confiant donc à son journal intime, elle narre son quotidien non sans regretter de ne pouvoir se lancer dans la rédaction d’un roman. Alors qu’elle s’est mise à prendre des cours de danse espagnole, Anaïs ressent au fond d’elle que toute son intimité ne s’est pas révélée, bridée certainement par sa culture catholique. Ayant réalisé un essai audacieux sur D.H. Lawrence, elle redoute encore sa publication tant le sujet est osé. Elle rencontre Henry Miller, romancier new-yorkais, qui, en grand jouisseur de la vie, marque profondément Anaïs et la motive à poursuivre ses écrits et même à les améliorer. La jeune femme se laisse emporter par son désir d’écriture et au regard de ses approches sexuelles qu’elle a avec son éditeur, avec son professeur de danse, elle décide de tenir deux journaux. L’un, qu’elle présentera à son mari, portera sur des situations qu’elle désignera à celui-ci comme fantaisistes, imaginées sans retenue, l’autre se rapportera à ce à quoi elle aspire, à un idéal de pureté sous une mer de mensonges.

Par phibes, le 22 octobre 2020

Publicité

Notre avis sur Sur la mer des mensonges

Après sa participation dans la série de La Petite bédéthèque des savoirs (naissance de la Bible – Comment elle a été écrite) et dans le one-shot Le tailleur de pierre, l’artiste suisse Léonie Bischoff s’est saisie de la biographie de l’écrivaine américaine Anaïs Nin, connue pour ses chroniques intimes de femme libérée. Assurément bien documentée, l’artiste nous retrace avec une réelle poésie l’émancipation d’une jeune femme en quête de sa propre identité.

Force est de constater que le portrait qui nous est dressé révèle en profondeur une personnalité ô combien volontaire pour aller au bout de sa démarche intimiste. Léonie Bischoff a pour cela calé son récit dans les années 30 à partir du moment où son héroïne et son mari s’installent à Louveciennes et que la jeune épouse commence à percevoir que plusieurs femmes cohabitent en elle. A la faveur d’une évocation pour le moins délicate, toute en finesse et pourtant sensuelle à ses heures, l’autrice nous plonge subtilement dans l’évolution spirituelle d’une femme qui n’attend qu’une chose à savoir trouver sa place.

On restera subjugué par cette narration très personnelle qui a l’avantage de faire mouche. Le personnage mis en avant a la particularité d’être porté par un vent de liberté qui nous ravit mais qui peut nous attrister eu égard à certaines de ces décisions. Son libertinage excessif (sa passion pour son père par exemple), sa soif d’embrasser le maximum, se veulent d’un côté très gênants, répréhensibles mais de l’autre, caractérisent au mieux une volonté de liberté absolue, sans aucune barrière, d’être soi-même.

On pourra être également captivé par le superbe travail multicolore de Léonie Bischoff. Cette dernière, à coups de crayon bien ajustés, dévoile un message empli de féminité, de douceur qui forcent sa qualité. Tantôt épuré, tantôt plus travaillé en profondeur, son dessin produit une réelle attirance. Le personnage Anaïs Nin reste tout du long à son avantage, assurément doté d’une expressivité et d’un charisme réellement envoûtants.

Une biographie superbement réalisée par une artiste complète, à lire absolument pour sa féminité ambiante et ses accents de liberté.

Par Phibes, le 22 octobre 2020

Publicité