AMOROSTASIA
Amorostasia

De nos jours, à Paris, une étrange épidémie sévit. Des femmes et des hommes sont retrouvés totalement pétrifiés à leur domicile, dans la rue ou encore dans leur voiture, sans explication immédiate valable. Le phénomène s’amplifiant à la vitesse grand V, le docteur Korda de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière se penche sur la question et en déduit publiquement que l’étrange phénomène recensé qui échappe à toute logique scientifique et qui peut atteindre des proportions planétaires est dû aux sentiments amoureux que se portent les êtres entre eux. Il lui donne un nom, l’Amorostasie et incite les gens à minimiser leurs sentiments pour ne pas subir les terribles effets. Olga Politoff, journaliste au Murmures de Paris, couvre l’affaire avec son collègue Lambert et se doit de mettre provisoirement en suspens la relation, au demeurant un peu distendue, qu’elle entretient avec son petit ami Thomas. Au bout de quelques mois, l’épidémie continue à faire des ravages, plongeant la société dans une détresse patente, poussant même les dirigeants à prendre des mesures drastiques et asociales. Olga en fait malheureusement les frais à la suite de la pétrification de son collègue. Considérée comme une séductrice, elle se doit de quitter son boulot et porter un brassard. L’amour est-il devenu une maladie dont on ne peut se soigner ? Un jeune homme se prénommant Kiran va l’aider à découvrir la vérité.

Par phibes, le 9 juillet 2013

Lire les premières pages de AMOROSTASIA #1 – Amorostasia

Voir les croquis de AMOROSTASIA #1 – Amorostasia

Voir les croquis de AMOROSTASIA #1 – Amorostasia

Publicité

2 avis sur AMOROSTASIA #1 – Amorostasia

Après avoir adapté remarquablement le roman de Marcel Aymé La belle image et écrit à la suite, une nouvelle inédite intitulée L’homme qui n’existait pas, Cyril Bonin revient en force avec cette histoire graphique qui conserve les ambiances surnaturelles auxquelles il nous a sensibilisé précédemment. En effet, cette fois-ci, il nous plonge dans un contexte surprenant dans lequel avoir des sentiments peut se révéler dommageable pour la santé.

Force est de constater qu’une fois encore, Cyril Bonin, bien inspiré, nous entraîne dans une histoire sociale complète délectable au sein de laquelle la moindre émotion, le moindre sentiment peut provoquer des effets irréversibles. Via ce concept on ne peut plus original et des plus surprenants qui entame le passionnel, l’artiste fait état de cette pandémie qui grève la capitale et qui met en émoi la collectivité scientifique. A cet égard, l’auteur fait monter en puissance son aventure à laquelle est liée la belle Olga dans une méthodologie adaptée, usant d’une fluidité narrative et d’une humanité confondante. Jouant sur le fait que l’amour peut se transformer en véritable pathologie, postulat à première vue fantaisiste, il nous plonge dans une dérive sociétale extrême voire paranoïaque qui n’est pas sans rappeler certains dérapages historiques. Fort de cette évolution inquiétante, le lecteur ne manquera pas de se demander comment tout ça peut se régler. A ce titre, Cyril Bonin nous en donnera la conclusion via une pirouette scénaristique sensible et plutôt surprenante.

Cyril Bonin nous démontre également que le sujet sur lequel il a planché a été traité indubitablement d’une manière simple, efficace et un tantinet cocasse, sans effet tapageur, au gré d’un verbe généreux et séducteur. Par ce biais, il vient poser en quelque sorte les bases de l’amour, la façon dont il se déclare entre les êtres, inconsciemment, et ce qu’il génère. De même, il y ajoute une bonne touche scientifique via les explications du Docteur Korda, reprises d’une manière très explicite dans la préface du docteur Bernard Sablonnière.

Si le scénario est des plus concluants, la partie graphique se révèle d’une grande efficience. Le style de Cyril Bonin est toujours aussi saisissant de réalisme, de sensibilité, d’humanisme. Son trait qu’il nous fait appréhender pour la première fois dans un univers noir et blanc, est juste, explicite, évocateur en terme de sentiments (dans la façon de pencher les têtes, de traiter les regards…). Ses personnages, légèrement déformés, bénéficient d’un charisme confondant et donnent du corps aux évènements qui les entourent.

Une bien belle histoire de sentiments aux ambiances fantastiques bien pesées, à porter à l’actif d’un artiste talentueux.

Par Phibes, le 9 juillet 2013

A ce jour, le parcours de Cyril Bonin a connu deux « ruptures » importantes depuis ses débuts comme dessinateur de la série Fog (scénario de Roger Seiter, Casterman). La première avec Chambre obscure (Dargaud) où il devient l’unique auteur (scénariste, dessinateur et coloriste) de son récit tout en demeurent toutefois dans la filiation de Fog (policier aux accents feuilletonesques). La seconde étape marquante, amorcée par son adaptation (chez Futuropolis) de la nouvelle de Marcel Aymé La Belle Image, s’enracine avec L’Homme qui n’existait pas (Futuropolis). Cyril Bonin écrit seul son premier scénario fantastique, de ce fantastique dont la conception est directement influencée par celle de Marcel Aymé. Bien qu’explicite, le traitement du fantastique est chez Bonin, à l’instar de chez Christophe Chabouté, un vecteur permettant de faire émerger des thématiques intimistes et sensibles. Prenant la suite directe de ces deux précédents livres, l’auteur poursuit son exploration du genre avec Amorostasia toujours chez Futuropolis.

N’étant pas un but en soi, Bonin met en place la dimension fantastique de son récit dès la troisième planche (le récit en compte au total 122) de façon explicite : on découvre une femme retrouvée pétrifiée chez elle. Mais à bien y regarder on remarque que les toits et la tour Effel pointant vers le ciel de la première case de la première planche sont comme détourés. Simple traitement graphique, peut-être… (on le retrouve à plusieurs reprises par la suite sur des bâtiments ou personnages pour les détacher d’un fond sombre) mais on peut également y voir l’instauration d’un très léger décalage. Pas de côté qui figure aussi dans le titre : « amorostasiA » désigne une maladie qui entraine une stase (vie ralentie – à laquelle s’ajoute ici un aspect figé) qui frappe les gens amoureux, alors que la logique étymologique aurait voulue qu’elle soit nommée « amorostasiE ». En remplaçant le « e » final par un « a », Bonin décale la « maladie » vers l’irréel tout en cherchant à la rationnaliser tout au long de son récit. De ce jeu subtil entre ce qui est du domaine de la science (explication du sentiment amoureux par les mécanismes biochimiques des hormones) et de l’irréel (l’amorostasia) nait la question qui hante tout le l’album : qu’est-ce que l’amour ? De cette dichotomie floue nait également la magie des récits de Cyril Bonin. Le fantastique (à comprendre comme une rupture nette et inquiétante du réel) laisse place peu à peu au merveilleux auquel les sensations perçues s’apparentent à celles des lectures (de genres différents) de Corto Maltese. En alliant la recherche « de certain sens de la vérité » – toujours plus grande des sciences permise par les avancés techniques – au lyrisme et à la métaphysique hérités d’Hugo Pratt, Cyril Bonin nous montre toute l’ampleur de son talent. Autrement dit il réussi avec Amorostasia ce qu’avait manqué Makyo avec son Tout sauf l’amour (Futuropolis).

Ni gentil ni méchant dans les histoires de Bonin. Les personnages sont gris, non pas qu’ils soient nécessairement tristes mais bien profondément humain en ce sens qu’ils sont un mélange de blanc et de noir. Petit regret donc que l’auteur est opté pour un album entièrement en teintes de gris qui de fait souffre légèrement d’un ton sur ton.

Assurément un album à lire d’urgence !

Par melville, le 10 juillet 2013

Publicité