L'âme au bord des cheveux

Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh. Séra et sa famille se réfugient comme d’autres au sein de l’ambassade française, afin d’échapper à la folie de ceux qui prétendent libérer le Cambodge, en guerre civile depuis 1967, et victime collatérale de la Guerre du Vietnam.

Par v-degache, le 4 mars 2023

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Notre avis sur L’âme au bord des cheveux

Né d’un père cambodgien, et d’une mère originaire de Haute-Marne, l’œuvre de Phoussera Ing, aka Séra, est marquée par le Génocide cambodgien perpétré par les Khmers Rouges de Pol Pot.

Impasse et rouge en 1995, L’eau et la terre en 2005, Lendemains de cendres en 2007, Concombres amers en 2018, et L’âme au bord des cheveux en 2023 jalonnent de façon forte et personnelle la riche bibliographie de Séra.
La première partie de L’âme au bord des cheveux revient sur la guerre civile qui touche le Cambodge. Celui-ci, en tant que voisin frontalier le plus étendu du Vietnam, va être directement impacté par la Guerre du Vietnam. L’Est du territoire cambodgien est traversé par la piste Hô Chi Minh, véritable réseau de voies de communication permettant au Nord-Vietnam de ravitailler les Vietcongs en lutte contre les Etat-Unis et le régime sud-vietnamien. Le pays va ainsi subir, malgré la neutralité affiché par le Roi Norodom Sihanouk, les bombardements étatsuniens qui tentent de couper la piste.

C’est dans ce contexte que le Cambodge voit une guerre civile se déclencher en 1967, opposant les forces de la République khmère gouvernée par le général Lon Nol (Sihanouk est déposé en 1970) et les forces communistes dont est issu Pol Pot. L’histoire familiale de Séra s’insère dans cette contextualisation historique des éléments antérieurs à la prise du pouvoir des Khmers rouges, avec les espoirs suscités par le retour au pays, une jeunesse marquée par une guerre qui se rapproche de Phnom Penh, le tout avec un traitement très photographique et un nombre limité de cases par planche. Une place importante est d’ailleurs donnée aux reporters qui vont traiter par leurs clichés les différentes phases du conflit.
Le résultat est graphiquement réussi, l’immersion dans ce basculement vers l’horreur totale, le texte précis, passionnant et documenté.

Quant à la seconde partie de l’ouvrage, elle fait le focus sur l’arrivée des Khmers rouges dans Phnom Penh le 17 avril 1975, durant laquelle la famille de Séra se réfugie au sein de l’ambassade française. Dans ce huis-clos étouffant et angoissant, entre tractations avec la France et attente insupportable des réfugiés sur leur sort, l’auteur réussit encore une fois à faire ressentir cette tension extrême, jusqu’à la séparation avec le père qui sera définitive, et un destin qui sera tragique ou synonyme d’espoir, suivant l’origine et la nationalité de ceux qui pensaient trouver une issue en s’en remettant à la France … La folie génocidaire peut commencer…

L’âme au bord des cheveux est un ouvrage indispensable, de ceux qu’on lit d’une traite, où l’histoire familiale et personnelle s’entremêle avec la grande Histoire. Séra capte avec talent la tragédie cambodgienne, et poursuit brillamment son exploration du génocide cambodgien.
Indispensable.

Par V. DEGACHE, le 4 mars 2023

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