Les Amateurs

Pieterjan, un artiste en mal d’inspiration, est invité à la première Biennale d’art contemporain de Beerpoele, une petite ville de campagne flamande. Les artistes présents s’avèrent être de parfaits amateurs, malgré leur bonne volonté. Kristof en est l’organisateur et devra avant tout composer avec les susceptibilités de chacun, entre Pieterjan qui se prend pour le petit chef de la bande et qui s’énerve facilement devant l’incompétence de ses collègues, ou encore Dennis, qui malgré sa fragilité, peut s’avérer très encombrant… . Ils tenteront malgré tout de construire quelque chose ensemble, une oeuvre de grande envergure!

Par Placido, le 23 janvier 2012

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2 avis sur Les Amateurs

Découvert un peu sur le tard grâce à mon fantastique libraire, Les Amateurs, deuxième BD seulement de ce jeune auteur flamand (25 ans !) à paraître chez Acte Sud BD. L’auteur a déjà reçu pour son premier livre, Les Noceurs, le prix de l’audace au dernier festival d’Angoulême. Et pour parler un peu de ça, je vous avouerais que je me suis toujours plus ou moins demandé ce que voulait dire ce prix… Mais après avoir lu Les Amateurs, j’ai fini par comprendre. Je crois qu’en réalité, ce prix de l’audace a été spécialement créé pour Brecht Evens.

Ce livre transpire l’inventivité, l’innovation et l’expérimental, c’est en cela qu’on pourra parler d’audace. Le système narratif, laissant une première impression de fouillis et de gros bordel coloré s’avère en fait être d’une structure très travaillée, alternant des phases de dialogues purs où il n’y a rien d’autre que la tête des personnages et des phases en plan large, où le décor est prioritaire et porte toujours un sens bien particulier. Ces décors, Brecht Evens joue avec, les déforme, les déplace, les superpose et l’absence de case accentue largement les effets. Et, à l’instar de l’armature en bois visible sur la couverture du livre, chaque scène, chaque plan apporte quelque chose à l’histoire, que ce soit directement narratif ou plus indirect. Il prend le temps de raconter, utilise souvent des planches muettes pour illustrer rapidement les personnages dans leur intimité. On les voit ainsi se préparer à reprendre une journée active, se préparer à côtoyer cette micro-société d’artistes étrange et ambigüe. Et puis c’est parti, entre les conversations interminables et insensées sur le devenir de cette biennale, les discussions tendues pour calmer les égos de chacun et rassurer tout le monde et puis… Il y a les chuchotements intimes… Les liens qui se créés…

Outre la mise en scène, l’histoire racontée par Brecht Evens est formidable. Bourrée d’humour et de sentiment, le petit cercle d’artiste est régi par des structures sociales complexes où chacun a besoin d’être ménagé, d’être guidé, d’être géré… On a le droit à quelques scènes jouissives, d’une justesse touchante et d’un humour un peu grinçant. L’auteur aborde alors les thèmes de l’amitié ou plutôt de la camaraderie, des relations amoureuses et de la jalousie qui va avec, mais aussi de la légitimité des artistes et leur rapport à l’Art.

L’aspect expérimental de cette BD se retrouve principalement dans le dessin. Le dessin de Brecht Evens, c’est un peu la clé de voute. Il ne se suffit pas à lui-même non plus, car il sert beaucoup l’histoire et imprègne le livre d’une ambiance saisissante. Il y a un côté un peu psychédélique, avec une palette de couleur assez simple et primaire mais optimisée. Chaque personnage possède la sienne, qui lui est propre, jusque dans les écrits des dialogues. Brecht Evens a dit qu’il évitait les cases et les bulles car il trouvait que ça écrasait les images… Une totale liberté graphique souffle dès lors sur Les Amateurs et c’est plutôt rafraîchissant. Tout est éclaté, le blanc, très présent est employé pour faire ressortir des détails ou exprimer des sentiments. Les nombreuses superpositions de décors parfois purement esthétiques mais aussi utilisées pour la mise en scène sont admirables d’inventivité. Et puis l’aquarelle, rien que ça… Je veux dire, c’est magnifique !

Expérimentation, intelligence et audace, voilà les maîtres mots pour définir mon énorme coup de cœur du moment. Et c’est garanti sans entourloupe, je veux dire par là qu’il n’y a rien d’obscur ou d’impénétrable. Le tour de force de l’auteur étant d’avoir réussi à trouver un juste milieu entre expérimentation et accessibilité, sans pour autant faire de concession ou édulcorer quoique ce soit.

Un bijou !

Par Placido, le 23 janvier 2012

L’audace de Brecht Evens est d’avoir réalisé une bande dessinée qui n’en est pas une… en tout les cas ne répondant pas aux critères classiques du genre. Mais non contant de dynamiter les codes de son support, l’auteur n’a de cesse tout au long de son récit de les reconstruir. L’un des enjeux majeur de la bande dessinée réside dans l’association entre le texte et le dessin : et de ce point de vue, la magie de ses illustrations et la fluidité de sa narration sont en soi une grande et intelligente réussite formelle. Mais tout ceci n’aurait un intérêt que limité si la forme n’était pas l’incarnation d’un questionnement plus profond. Au travers de ce livre, Brecht Evens aborde une réflexion sur l’Art et de façon plus large sur la culture. Et si ses aquarelles translucides se font l’écho d’une introspection, la démarche de l’auteur n’est jamais nébuleuse mais bien l’expression passionnante d’une universalité. En défendant l’Art comme un moyen de survie, Brecht Evens évite les écueils de l’installation et du nombrilisme pour donner l’occasion à son lecteur de vivre l’instant d’une lecture et bien plus encore une expérience de neuvième art.

Je joins ma voix à celle de Placido pour conclure avec enthousiasme et panache. Les Amateurs de Brecht Evens est un bijou !

Par melville, le 24 janvier 2012

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