Les amants d'Hérouville

Michel Magne, génial compositeur et musicien, va faire en 1970 du Château d’Hérouville un lieu de création, de fête et de liberté, où vont se précipiter des stars du monde entier, de David Bowie à Elton John. Accompagné de la belle Marie-Claude, les deux amants vont connaître le succès, avant que les ennuis financiers ne viennent contrarier cette vie idyllique…

Par v-degache, le 19 février 2021

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Notre avis sur Les amants d’Hérouville

La séquence d’ouverture de l’album nous pose d’emblée les deux principaux protagonistes des quelques 250 pages qui vont suivre : le compositeur et musicien Michel Magne y apprend qu’une partie de son château d’Hérouville, dans l’Oise, abritant ses compositions et son travail, et qu’il vient de restaurer, vient de partir en fumée.
De cet épisode traumatique va émerger la transformation du lieu, qui servit de décor à Balzac dans Modeste Mignon (1844), en un studio résidentiel d’enregistrement qui va accueillir une des plus fabuleuses aventures musicales de la deuxième moitié du XXème siècle.

Très vite, la vie du domaine est littéralement éclairée par l’arrivée de Marie-Claude Calvet, baby-sitter des enfants de Magne, puis amante, femme, et égérie de celui-ci. Le génie avant-gardiste de cet homme aux facettes et talents multiples va faire petit à petit d’Hérouville un lieu emblématique de la scène musicale française et internationale, parvenant à attirer, grâce aux qualités techniques des studios, mais aussi et surtout grâce au lieu en lui-même, ainsi qu’à la qualité de l’accueil du couple et aux fantastiques agapes marquant les séances d’enregistrement, les plus grands, d’Elton John (qui y enregistre son album Honky Château) aux Grateful Dead, de Gong aux Bee Gees, en passant par Buddy Guy ou Memphis Slim, sans oublier l’inévitable Johnny Hallyday !

Le dessinateur Romain Ronzeau joue avec les photos d’archives et quelques coupures de presse, qui trouvent une place à part entière dans ses planches pour raconter cette très riche histoire, dans laquelle s’imbrique la tumultueuse relation entre les deux amants.
L’écriture de Yann le Quellec, épaulé par Thomas Cadène, parvient à faire un tri efficace dans la riche vie du compositeur, et à garder une certaine frénésie dans le rythme du récit, semblable à ce que semble avoir été l’existence de l’artiste.

De superbes compositions graphiques colorées, incluant les photos d’époque, viennent raconter ce concert mythique des Grateful Dead improvisé dans les jardins du château en 1971, réunissant les habitants du village, les forces de l’ordre, et la cour de Michel Magne, et qui verra le préfet et les pompiers sous LSD finir nus dans la piscine ! Le dessin aux traits simples et aux visages expressifs redonne vie à cette parenthèse enchantée et psychédélique du début de ces années 70, tandis que les Trente Glorieuses donnent l’impression que cet Âge d’or artistique se poursuivra éternellement, sublimé par le génie et la personnalité exubérante de Magne.

Celui-ci, secondé par l’ingénieur du son Dominique Blanc-Francard, arrive à faire de ce lieu perdu en pleine campagne un centre de création musicale à la renommée mondiale, à l’ambiance unique. Fantastique aventure merveilleusement contée par les deux auteurs qui réussissent à trouver un savant équilibre dans leur récit. En effet, l’ajout des photos et des coupures de presse ne prend pas le pas sur le dessin et s’insère à bon escient, apportant une réelle plus-value.
Belle idée également que cette mise en page des planches agrémentée d’éléments de partition, tel un hommage aux œuvres graphiques réalisées un temps par Michel Magne, qu’il nommait des « musiques à regarder ».

Si l’ouvrage se concentre sur la période 1970-1984 de la vie de Michel Magne, en focalisant sur Hérouville, les riches aventures antérieures à l’aménagement du lieu en studio ne sont pas oubliées. C’est par un récit essentiellement écrit et appuyé de quelques dessins et photos que l’on revient sur ce qui a précédé la période Hérouville. Ainsi, cela permet d’évoquer son aventure avec Françoise Sagan, son riche apport aux musiques de film, qui le verra même être nominé aux Oscars pour la partition de Gigot, le clochard de Belleville (1962, Gene Kelly), son œuvre de compositeur d’avant-garde et de peintre, etc…
La fluidité de la narration de l’aventure du Château est ainsi préservée, tout en rendant hommage à l’apport artistique de l’homme dans de nombreux domaines.
Le requiem final n’en sera que plus dur… mais est là aussi graphiquement une réussite.

La BD se termine par un retour en photos émouvant de Marie-Claude au château d’Hérouville aujourd’hui, en tout cas avant que ce dernier reprenne vie et sa fonction de studio.
Une précieuse bibliographie, discographie et filmographie de M. Magne clôture le tout.

Les amants d’Hérouville n’est pas un énième roman graphique prétentieux lorgnant du côté du lectorat d’une certaine presse bobo.
C’est un hommage plus que réussi de cet art populaire qu’est la BD à cet homme que fut Michel Magne, et à son œuvre majeure, et plus généralement à la pop culture. On sort de l’ouvrage avec l’envie de replonger dans celle-ci, que ce soit à travers ses musiques de films, ou bien à travers les albums qui furent enregistrés au château !

Par V. DEGACHE, le 19 février 2021

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