Le marin bandit

 
Allan croupissait en prison depuis six mois quand il fut libéré avant d’avoir fini de purger sa peine. Six mois, ce n’était sûrement pas grand-chose vu tous les sales coups qu’il avait faits, mais ce fut assez long pour qu’une idée ait eu le temps de faire son chemin dans sa caboche de vieux briscard : il en avait sa claque et le bonheur, désormais, il en avait décidé ainsi, ce serait dans les bras de celle qui l’avait attendu pendant toutes ces années.

Mais rentré au bercail, une lettre lui parvint qui remit en question ses projets d’homme rangé. Car Allan restait un homme d’honneur, quelque part, et cette lettre provenait de celui qui avait payé sa caution. Il fallait donc répondre à son appel…
 

Par sylvestre, le 24 avril 2022

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Notre avis sur Le marin bandit

 
Dans Les aventures de Tintin, Allan… c’est un méchant ! C’est un gangster sans scrupules, un marin bandit ! Mais dans cette bande dessinée de Sarah Belmas sobrement intitulée Allan Thomas Scott, le peu sympathique personnage nous apparaît d’entrée sous un jour complètement inédit. En effet, on n’aurait pas imaginé dans sa bouche ces phrases qu’il dit dans son cauchemar duquel on est spectateurs dans les premières vignettes, ni pensé une seule seconde qu’il puisse être enclin à la nostalgie ou à la poésie comme on le découvre quelques pages plus tard… Eh bien si. Mais une âme noire ne peut pas non plus être complètement et pour de bon décrottée (fussent les 6 mois passés en taule la plus difficile des parenthèses vécues), et force est de constater qu’Allan, bien que donc poète à ses heures, a toutefois bien gardé, vous le verrez, ses réflexes lorsqu’il s’agit de flirter avec la pègre, d’échanger des coups de poings ou de dissimuler des cadavres !

Allan entre le mal et le bien. Allan à la croisée des chemins. Allan à un moment de sa vie où il est prêt à se remettre en cause. Lassé, fatigué, un poil vieilli, plus raisonnable peut-être, ou plus lucide… mais pas éteint ! Au fil des pages de cette BD, on le suit comme on suivrait un acteur après le baisser du rideau : on accède à ses coulisses, à ses secrets, à ce qu’on n’aurait pas soupçonné de lui. En l’occurrence, on lui découvre une liaison féminine loin des standards féminins de l’œuvre de Hergé, un amour fidèle qui l’attire, lui, l’homme lavé de ses péchés. A noter que l’autrice s’est dessinée dans la page qui nous la présente, avant l’histoire, et que la femme d’Allan… lui ressemble en tout point !

Allan se ressemble aussi : Sarah Belmas prolonge sa vie de papier (et celle d’un autre, aussi, mais qui apparaît beaucoup plus furtivement) en reprenant exactement les traits que lui a donné Hergé. Ce choix logique est une passerelle graphique qui permet un lien direct avec l’œuvre de Georges Rémi : si Allan avait eu ici une autre gueule, s’il y avait eu "changement d’acteur", ça n’aurait pas fonctionné…

Allan Thomas Scott va vers sa renaissance et ce nouveau rythme de vie est orchestré de belle manière par le format, les couleurs et le tempo donnés à cette bande dessinée qui invite à l’apaisement à de nombreuses reprises bien que tensions et action parfois musclée y aient aussi toute leur place. La lecture en devient une expérience troublante à faire absolument ; à moins bien sûr que vous soyez de ceux, trop fidèles à Hergé, qui souhaitent que "ses méchants" restent pour l’éternité des gens sans cœur, sans plus de profondeur, sans faces cachées et sans subtilité !
 

Par Sylvestre, le 24 avril 2022

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