L'aliéniste

Simon Bacamarte est un scientifique extrêmement doué qui se découvre un jour un grand intérêt pour l’étude des "pathologies cérébrales". Se rendant alors compte que dans son village les déments sont pour la plupart laissés sans traitement, il décide de faire construire un asile pour accueillir tout ce petit monde. Mais le succès est contre toute attente énorme…
Progressivement, les études de Simon le pousse à interner de plus en plus de monde, au moindre signe qu’il estime être significatif, mais les villageois commencent à réagir de leur côté car ces internements prennent vite des proportions démesurées…

Par fredgri, le 29 septembre 2014

Notre avis sur L’aliéniste

Fabio Moon et Gabriel Ba sont frères, ils ont auparavant travaillé sur BPRD et plus significativement sur la remarquable mini-série Daytripper. Cette fois, ils "s’attaquent" à "L’aliéniste" de Joaquim Maria Machado de Assis, un petit roman d’à peine plus de 100 pages qui raconte l’étrange cas fictif de Simon Bacamarte qui décida un jour d’étudier les cas de démence du village ou il habitait. Petit à petit le médecin exerce son emprise sur les villageois, condamnant le moindre signe qu’il estime propre à la démence, qu’il s’agisse de l’expression d’un doute, d’une faiblesse ou d’un simple signe d’altruisme, Simon est impartial et sans appel !

Au travers de cette incroyable histoire nous revenons sur la perception de la démence et plus globalement de l’âme dans la moindre de ses manifestations !
Car ce médecin, aussi objectiviste et sérieux soit-il, ne tente pas de trouver des solutions, d’aider ces internés, il veut juste avoir l’occasion de les étudier, sans forcément prendre en compte les méandres de la psyché humaine. Il catalogue, répertorie, il établit des généralités, des catégories qui s’étendent au fur et à mesure qu’il découvre le monde qui l’entoure, sous le filtre de son regard scrutateur ! Après tout ou se situe la limite de la normalité ? Est-ce que "l’irraisonnable" est forcément une preuve de démence ? Pétri dans ses convictions, l’aliéniste devient le reflet d’une société qui stigmatise à l’emporte pièce, interprétant tel acte comme une folie, même passagère, telle parole comme signe de délire et tel comportement comme condamnable face à une image idéalisée et tronquée de l’âme humaine… Combien d’hommes et de femmes se sont fait interner sous ce genre de jugements fallacieux ?

Le récit prend vite des proportions elles aussi délirantes, mais pourtant fascinantes. Le ton monocorde des récitatifs ne prend pas position, et on suit cet homme dans ses expériences et ses décisions. Toutefois les auteurs s’attardent bien plus sur les effets de ces internements que sur les malades eux même. Ce qui compte donc est bien plus le phénomène du médecin expérimentant que la démence en elle même, et donc bien plus le cas de Simon, sa pathologie grandissante au fil des pages, les répercussions directes sur son entourage et le village.
Sous couvert de comprendre et servir au mieux les intérêts de la communauté, le médecin entretient une certaine vision de cette incompréhension face à l’autre, à ces différences montrées du doigt. Il rationalise et se coupe progressivement des sentiments et des autres, caché derrière ses théories.
En contre partie, ce personnage n’apparait que très rarement antipathique, bien plus en décalage qu’autre chose.

Un album qui profite de l’incroyable graphisme des deux frères, très vivant et expressif, avec une magnifique gamme de couleurs, de teintes et de textures qui font tout de suite mouche ! De plus, la mise en scène et les cadrages sont simplement parfaits, démontrant la virtuosité de ces deux artistes qu’on surveille dorénavant de très près !

Un nouveau coup de maître à ne pas manquer !

Par FredGri, le 29 septembre 2014

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