Alice

Sur la planète Mars, le processus de terraformation connaît de graves problèmes et laisse planer la menace d’une guerre civile. Catherine Hamilton (Cat), l’une des autochtones de la cité de la Nouvelle nouvelle-Orléans, s’adonne avec une dextérité déconcertante, au jeu virtuel de Guerres Médiévales créé par le milliardaire Paul Morton. Accro de ce monde virtuel régi par le supercalculateur Sorcière avec lequel elle est en totale harmonie, Cat semble peu encline à se préoccuper des enjeux planétaires. C’est dans ses prédispositions qu’elle fait la connaissance de sa nouvelle petite voisine entreprenante, Alice, qui lui permet toutefois de retisser le lien avec la réalité. Mais quelle réalité ? Car Cat a, semble-t-il, un rôle à jouer et ce rôle-là, c’est Paul Morton qui va le lui définir.

Par phibes, le 31 décembre 2009

2 avis sur Alice

Alice, pur produit de l’association de deux auteurs débordant de créativité, est à proprement parlé un ouvrage original de par sa teneur futuriste et complexe. En effet, ce one-shot nous propulse sur la planète Mars, dans un avenir non précisé, que l’homme cherche à coloniser en la transformant à l’image de la Terre. Mais ce processus, qui est géré par une entité virtuelle, semble être grevé de problèmes géopolitiques insolubles qui présagent une guerre sociétale imminente.

De cet univers chaotique, deux personnages essentiels émergent, une jeune fille (Catherine Hamilton) et un enfant (Alice Dogtson) qui, de leur rencontre, va naître un courant affectif graduel. La première est addicte de jeux de rôle, la deuxième fait l’école buissonnière et, nouvelle arrivante sur la planète, découvre son environnement.

Frédéric L’Homme ( Husk) et Jean-François Cellier (Le maître du hasard) nous intriguent dans la façon de présenter leurs péripéties. Mélangeant le virtuel et la réalité, il nous immerge dans un univers avant-gardiste bien pesé certes, mais assez alambiqué. Le récit est intimiste, ne fait pas intervenir une flopée de personnages et se joue des dimensions dans des travers et des assemblages quelque fois difficiles à appréhender. Par contre, les échanges entre les deux protagonistes féminins sont nature, pleins de vie et d’une simplicité qui vient contraster perceptiblement avec les propos plus théâtraux du concepteur de Guerres Médiévales.

Jean-François Cellier se distingue par la qualité indéniable et admirable de son dessin. Il en ressort un esthétisme captivant, assez statique, plein de modernité, dépaysant, au relief superbement restitué par une colorisation appropriée où la rouge a une place prédominante. Le jeu des expressions de la petite Alice est craquant et se dévoile dans une série d’instantanés et de mimiques bien choisis. De même, les nombreux gros plans (sur les visages essentiellement) dégagent une force picturale, un réalisme confondant.

Un roman graphique qui interpelle par ses ambiances futuristes non conventionnelles et son graphisme stylisé.

Par Phibes, le 31 décembre 2009

« Alice » est un album assez complexe à lire, non seulement parce que le titre nous amène tout de suite à penser qu’il va y avoir un double sens, un jeu sur les reflets, sur les miroirs, est-ce que cette petite fille qu’on voit sur la couverture va nous amener dans un autre monde extraordinaire etc. Ensuite, à la lecture de l’album on se rend compte aussi que le thème général est l’illusion. Entre cette héroïne qui vit sa vie virtuelle bien plus passionément que sa vie réelle, entre les révélations qui se font progressivement, entre ces signes que l’on voit arriver régulièrement, comme la petite Alice (que l’on retrouve en statue dans le monde virtuelle), la panthère, cet homme en blanc (le cavalier blanc d’Alice), le lecteur devine rapidement qu’il y a d’autres niveaux de lecture et qu’il va devoir essayer d’aller un peu plus loin que sa première lecture pour mieux anticiper cet album. C’est d’autant plus important qu’il ne se passe pas vraiment grand chose pendant le premier tiers de l’histoire.


Ce récit est donc très intéressant car il ne donne pas toutes les pistes tout de suite, il faut décrypter les éléments et, à un moment, accepter de remettre sa première lecture en question tout en passant à côté d’un certain nombre d’éléments (quelques parallèles avec les livres de Lewis Caroll, comme le personnage blanc, le rappel au jeu d’échec avec le cavalier, la tour etc. les animaux qui fuient… )
Tout cela rend la lecture assez exigeante, très codée. Je ne dis pas que l’histoire est incompréhensible autrement, simplement que si on ne fait pas cet effort elle risque vite d’apparaître assez fade à la finale. Après tout, pendant une bonne grosse moitié d’album l’intrigue n’est pas très transcendante, l’univers marsien est même assez peu exploité, tant on est complètement centré sur Catherine. Ce qui fait qu’on entre que très lentement dans le fond du propos, le scénario est presque contemplatif. Les personnages prennent le temps de se poser, de regarder autour d’eux. Ils manquent un peu de charisme et sont peut-être trop mou globalement pour complètement nous absorber, on aurait envie de voir plus de flamme dans leur yeux, et du coup cela ne démarre pas vraiment, à la longue.

Néanmoins, cet album est magnifique, c’est le grand retour de Jean-François Cellier, qui n’avait rien montré depuis 2001 avec son superbe album « Le maître du hasard », demeuré sans suite depuis… Ici il opte pour la couleur directe et franchement c’est exceptionnel. La couverture nous montre déjà l’évolution qu’il y a eu depuis, et les planches se laissent dévorer des yeux. J’aurais juste, comme reproche, que l’ensemble est très figé. Malgré tout quelle claque, certaines cases sont de véritables tableaux. On retrouve cette même science de la mise en page, des cadrages, c’est somptueux.

Alors oui, cet album m’a intrigué, j’espère avoir compris ce qu’il y avait à comprendre, et que maintenant que Cellier est relancé il saura nous redonner l’occasion d’admirer son travail.

Par FredGri, le 9 février 2010

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