Aldobrando

Par un soir pluvieux, un seigneur défaillant vient à la rencontre d’un sorcier de sa connaissance. Se devant de livrer combat dans la fosse contre le sinistre Branco le violeveuves et pressentant qu’il n’a aucun espoir de vaincre, il lui demande de prendre son unique enfant et de l’élever dignement. Aldobrando, tel est son nom, bénéficie donc de la sagesse de son tuteur. Quelques années plus tard, le garçon n’est pas des plus gaillards. Qui plus est, il se révèle un peu niais. Malgré tout, le vieux sorcier lui propose de lui confier le plus important de tous les secrets. Pour cela, il lui fait bouillir de l’eau dans un chaudron, porter des briques et choisir un chat que le vieil homme va devoir ébouillanter vivant. Malheureusement, la préparation du sortilège tourne mal, le sorcier ayant été griffé par le chat. Afin d’éviter une infection mortelle, il demande à Aldobrando d’aller quérir immédiatement de l’herbe du loup. Pris au dépourvu, le garçon ne peut que s’exécuter. Evidemment, aller au-dehors n’est pas chose facile pour lui puisqu’il n’y a jamais été. Que va-t-il trouver au bout de son chemin ?

Par phibes, le 21 janvier 2020

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Notre avis sur Aldobrando

Aldobrando est une histoire comme on aime en lire tant elle vous prend aux tripes et vous amène dans des tribulations à la finalité incertaine. Issu de la collaboration ô combien profitable de deux artistes italiens talentueux (Gipi au scénario et Luigi Critone aux dessins), ce one-shot aux ambiances moyenâgeuses est l’occasion de se plonger dans la destinée d’un personnage qui n’a que sa naïveté et aussi sa force d’adaptation pour armures. Exit l’aventure à la Conan, voici la geste d’un petit personnage tout chétif promis, malgré « ses pattes de merle », à courir le monde via un cheminement qui se veut initiatique et émancipateur.

Emotions et subtilité sont au rendez-vous de cet album. Gipi, en humaniste éclairé, trouve la matière qu’il sied à son récit pour titiller la sensibilité de ses lecteurs. S’attachant à dresser le parcours d’un enfant abandonné par son père, il lui donne l’occasion, à la suite d’un subterfuge relaté dans le Grand Manuel de se lancer dans une exploration d’un monde qu’il ne connaît nullement. La quête ainsi ouverte qui raisonne comme une épreuve (celle de la vie) n’a rien d’une sinécure et va lui faire suivre un chemin peu aisé où drame, mensonge, manipulation, suffisance,… auront leur place. Et à ce titre, se pose la question de la survie de ce jeune gringalet face à tous ces écueils.

L’on ne manquera pas d’être séduit par cette aventure qui joue sur la personnalité du personnage principal qui rend une image aux antipodes du héros que l’on pourrait imaginer. Attachant, d’une gentillesse extrême, non violent, l’on perçoit qu’Aldobrando doit avoir d’autres ressources qu’il nous tarde de découvrir. Ne serait-il simplement qu’un opportuniste ou un grand chanceux ou au contraire un brave au grand cœur ? D’autre part, avec une habileté incontestable, Gipi joue sur les contrastes en faisant des associations peu conformes comme celle avec Lesemeurdemort (géant massif), ou en tronquant les personnalités.

La partie graphique réalisée par Luigi Critone, réellement en forme, ajoute une touche addictive à la destinée d’Aldobrando. Son dessin subtilement encré est envoutant par la sensibilité extrême qu’il dégage. Certains de ces personnages exhalent une bonhomie qui touche particulièrement (le héros en particulier), d’autres s’imposant de par leur envie de faire mal. Le travail est adroit, généreux, son trait initiant un semi-réalisme doucereux réellement accrocheur. Il va de soi que la superbe colorisation exécutée à quatre mains, semble-t-il à l’aquarelle, apporte un réel plus à cet ensemble pictural.

Une épopée médiévale d’une très grande générosité à lire de toute urgence !

Par Phibes, le 21 janvier 2020

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